Saltar al contenido principal

Ebola : les nouvelles technologies en renfort

Países
Nigeria
+ 3
Fuentes
Le Monde
Fecha de publicación
Origen
Ver original

Le 20 octobre, les autorités nigérianes annonçaient la fin de l’épidémie d’Ebola au Nigeria. Parmi les différents facteurs ayant conduit à cette réussite, une application mobile, eHealth, a joué un rôle « crucial » pour contenir la pandémie. « Avec ce virus, le temps est très important, a expliqué Omobola Johnson, ministre nigériane des technologies de la communication. L’application a permis de réduire le temps de recensement des infections de 75 % ».

Concrètement, les contact tracers, ces enquêteurs chargés de rencontrer les personnes susceptibles d’avoir été contaminées, ont reçu des téléphones et des tablettes équipés de l’application, qui leur ont permis de faire remonter en temps réel les nouveaux cas détectés. Développé par la filiale locale de la société américaine eHealth and Information Systems, cet outil a été déployé avec l’aide de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Un système comparable doit être mis en place au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée, pour suivre plus efficacement la propagation de la maladie.

Envoi de SMS en masse

EHealth n’est qu’un exemple, parmi d’autres, de la façon dont les nouvelles technologies peuvent se rendre utiles en cas de crise. Le 14 mars, HealthMap, une carte interactive suivant les épidémies en se fondant sur les données des réseaux sociaux, des bulletins d’information locaux, des appels d’urgences et autres bases de données, avait signalé en premier le début de l’épidémie, une semaine avant l’OMS.

Depuis, les initiatives high-tech se multiplient sur le front Ebola. L’Unicef envoie des messages de prévention par SMS en masse. Orange a mis à disposition d’une ONG suédoise les données de géolocalisation – anonymisées – de ses abonnés des pays voisins, pour suivre les déplacements de populations et anticiper l’évolution de l’épidémie. IBM, de son côté, vient d’annoncer la sortie d’Ebola Tracker, une application permettant aux personnes vivant dans des zones à risque d’envoyer des messages gratuitement pour signaler des cas suspects.

Les équipes de la Croix-Rouge, quant à elles, utilisent Ramp, un système proche de eHealth, qui leur sert aussi, depuis trois ans, à repérer les cas de paludisme. Un outil qui a rendu leur action plus efficace, selon Benoît Matsha-Carpentier, porte-parole de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge : « Avant, quand vous faisiez des enquêtes au fin fond du Liberia, il fallait le temps d’y aller, d’écrire ses données sur papier, avec le risque d’erreurs que cela implique, de retourner à Monrovia, de transmettre le papier, puis d’analyser ces données… Le délai pouvait être de plusieurs semaines entre la collecte et l’analyse des données. » Désormais, c’est instantané. « Et plus tôt on a les informations, plus vite on peut réagir ».

Si ces innovations fonctionnent aujourd’hui, c’est qu’elles reposent, pour une grande partie d’entre elles, sur la téléphonie mobile, de plus en plus développée, même dans les zones les plus isolées. En 2012, la Banque mondiale estimait que près de 75 % de la population mondiale possédait un téléphone mobile, et que 5 des 6 milliards d’abonnements dans le monde venaient de pays en développement. Une technologie « disruptive » dans le monde de l’humanitaire : jamais, auparavant, il n’avait été aussi simple, rapide et bon marché d’échanger des informations avec autant de personnes.

Pour Nicole Guedj, secrétaire d’Etat au droit des victimes en 2005, « les technologies et l’urgence vont de pair ». En 2006, elle a créé la fondation Casques rouges, qui milite, entre autres, pour « la mise à disposition d’outils technologiques innovants » pour les humanitaires. « Au départ, les technologies ne sont pas pensées et conçues pour un usage humanitaire, mais elles peuvent le devenir. Les possibilités sont donc illimitées, chaque jour on peut inventer un outil qui répondra à un besoin précis. » Sa fondation a notamment développé Emergesat, un conteneur satellitaire permettant de rétablir les communications en cas d’infrastructures endommagées, mais aussi Missing, un moteur de recherche pour personnes disparues lors de catastrophes naturelles.

Ces dernières années, d’autres initiatives, issues d’ONG, d’Etats, d’entreprises ou d’internautes ont démontré que l’usage des nouvelles technologies pouvait parfois faciliter le travail sur le terrain.

« Les technologies nous permettent parfois de mieux mener notre travail », confirme Jean-Yves Clemenzo, porte-parole de la Croix-Rouge pour l’Afrique de l’est. « Notre approche est donc de nous ouvrir aux innovations. Cela fait des années que nous nous adaptons au numérique, qu’on évalue si telle ou telle technologie peut nous être utile. On a toute une équipe qui observe cet environnement. » La Croix-Rouge a même lancé, en octobre, le « Global Partnership for humanitarian impact and innovation », une série de rencontres entre ONG, entreprises et chercheurs pour « explorer de nouvelles pistes issues de secteurs extérieurs à l’humanitaire », comme les nouvelles technologies.

Données sensibles

Mais attention, celles-ci « peuvent aussi poser des problèmes », prévient Jean-Yves Clemenzo, « notamment concernant la protection des données ». « Dans les zones de conflit, par exemple, elles sont trop sensibles, nous privilégions donc le contact direct. Pour chaque contexte, on analyse si elles peuvent être utiles. Si elles présentent un risque, on laisse tomber. »

Malgré toutes ces expérimentations, de nombreuses ONG n’ont toujours pas franchi le pas. « Le ticket d’entrée financier freine la mise en place », explique Dominique Bounie, consultant auprès du Programme alimentaire mondial (PAM). Les entreprises sont nombreuses à frapper à la porte des organisations caritatives, pour leur vendre un dispositif technologique. « Surtout depuis Ebola », confie, sous couvert d’anonymat, une ONG française.

Mais, selon Dominique Bounie, du PAM, beaucoup d’organisations ne sont pas suffisamment armées pour faire face à toutes ces sollicitations : « Il n’y a pas toujours les compétences en interne pour être au fait des nouvelles technologies, identifier l’utilité d’un outil, les partenaires potentiels… Ça prend beaucoup de temps et d’énergie pour des gens déjà accaparés par leur métier traditionnel ».

Et pourtant, les technologies continuent leur évolution et avec elles, le monde de l’humanitaire. Quelle sera la prochaine innovation qui changera la façon de travailler sur le terrain ? « Les drones », assure Patrick Meier, cofondateur de la Harvard Humanitarian Initiative et auteur du blog iRevolution consacré aux nouvelles technologies au service de l’humanitaire. « Les images fournies par les drones offrent un niveau d’analyse du terrain inédit. Contrairement aux images satellites, elles sont beaucoup moins chères à produire, peuvent être envoyées beaucoup plus rapidement, avec une résolution très élevée. » Et ce n’est pas tout. « Les drones peuvent aussi porter des paquets, ce qui veut dire qu’ils pourront transporter des ressources, médicales par exemple, dans des zones affectées, beaucoup plus rapidement qu’en camion. » Enfin, les drones ont aussi la capacité de fournir un réseau Wi-Fi, même dans les zones les plus isolées. Google et Facebook sont déjà prêts à investir ce terrain.