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La couverture santé pour toutes et tous est-elle possible ?

Страны
Буркина-Фасо
Источники
Oxfam
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"Au cours des cinq prochaines années, le Gouvernement s’attèlera à développer des mécanismes à même de garantir l’accès de toutes les couches sociales à la protection sociale." La lecture de la Politique nationale de Protection sociale adoptée par le Burkina Faso en septembre 2012 a de quoi enthousiasmer les plus sceptiques. Mais des salles climatisées des ministères aux villages, la réalité est-elle la même ?

A Bobo-Dioulasso, dans le sud du pays, la rencontre d’Aminata Diallo, présidente de l’association MAIA et coordinatrice locale d’un programme du Mouvement français pour le Planning familial donne un tout autre son de cloche :"avec l’Etat, on peut attendre longtemps. On a appris à ne compter que sur nous-mêmes." L’association MAIA travaille localement avec des communautés villageoises sur un grand nombre d’activités, de la santé à l’éducation en passant par des activités génératrices de revenus pour que les femmes puissent financer elles-mêmes leurs dépenses de santé et celles de leurs enfants.

Une autogestion comme on le voit beaucoup dans des zones délaissées par un Etat central en souffrance de financements pour assurer aux populations un accès aux services essentiels (santé, eau, éducation).

Dans le village peulh d’Yrwal, à 50 km de Bobo Dioulasso, un groupe de femmes a même décidé de construire une case de santé, lasses de ne pouvoir rejoindre le centre de santé le plus proche, à seulement quelques kilomètres de là, mais inaccessible faute de moyen de transport.

Les limites de la gestion communautaire

Quel personnel de santé pour assurer les consultations dans la case de santé d’Yrwal, et à quels tarifs ? Quel circuit d’approvisionnement en médicaments, et à quel prix ? Le manque de financement public se fait cruellement sentir. Aminata Diallo souligne que "généralement, quand tu vas dans un centre de santé, tu dois tout payer". La consultation, les actes médicaux, le matériel médical, jusqu’aux gants pour l’accoucheuse, et évidemment les médicaments qui ont été prescrits, tout est à la charge des patient-e-s . Avec des conséquences dramatiques en matière de mortalité, notamment chez les femmes enceintes qui connaissent une complication lors de leur accouchement, car les frais d’ambulance puis de prise en charge à l’hôpital sont beaucoup trop élevés pour une grande partie de la population. 52,1% des Burkinabès ont évoqué le problème de l’accessibilité financière aux services de santé, lors de l’enquête annuelle sur les conditions de vie des ménages de 2007.

Au Burkina Faso, seuls 10% de la population bénéficient d’un système de couverture sociale formel. Comme le dit très bien le plan d’action national de protection sociale : "les régimes légaux de sécurité sociale sont directement inspirés des systèmes occidentaux, notamment de la sécurité sociale française. Ils sont par conséquent conçus pour les secteurs modernes de l’économie et par conséquent en déphasage avec un contexte dont l’essentiel de l’économie est tirée par les exploitants agricoles (70% de la population active) et les travailleurs du secteur informel (90% de la population non agricole)."

Le savoir est pouvoir

Le gouvernement prévoit une"gratuité effective des soins de base pour les femmes enceintes, les enfants de 0 à 5 ans et les personnes indigentes". Mais pour qu’elle ne reste pas dans les placards, cette politique doit être financée, et les ONG comme ODSAD (Organisation pour le droit à la santé et le développement) s’attèlent à la rappeler : faire connaitre les lois et les politiques nationales aux populations pour qu’elles connaissent leurs droits, interpeller les décideurs pour que les stratégies élaborées se concrétisent sur le terrain, autant d’enjeux au quotidien.

En effet, comme le souligne Barré Izack Zongo du CIFOEB (Centre d’information, de formation et d’études sur le budget),"tout part de l’information. En tant que citoyen, je veux savoir combien l’Etat a prévu pour moi en matière de santé. Quand les citoyens ont l’information, il est difficile pour le gouvernement de faire ce qu’il veut." C’est pour cette raison que cette ONG burkinabè, partenaire d’Oxfam, publie régulièrement des études d’analyse du budget de l’Etat dédié à la santé et à l’éducation et forme la société civile au suivi budgétaire.

Financer la gratuité, un défi d’avenir

En 2001, à Abuja, capitale du Nigéria, les Etats africains se sont engagés à affecter 15% de leur budget à la santé. Sur le papier, le Burkina fait plutôt partie des bons élèves, avec 13,6% de son budget dédié à la santé. Mais c’est 13,6% d’un budget trop réduit pour pouvoir couvrir les besoins et assurer un vrai accès aux soins pour les populations qui en sont privées aujourd’hui. Il est donc du rôle de la communauté internationale d’appuyer financièrement les Etats comme le Burkina Faso pour que la volonté politique ne soit pas anéantie par une absence de moyens.

A l’heure où la couverture maladie universelle est sur toutes les lèvres comme probable futur objectif de développement en matière de santé après 2015, lever les barrières financières à l’accès aux soins doit être la vraie priorité, et pas seulement pour les Etats. Les bailleurs de fonds eux aussi doivent s’y engager, en orientant davantage leur aide au développement vers des programmes de renforcement des systèmes de santé et de protection sociale.

Charlotte Soulary, chargée de plaidoyer Santé pour Oxfam France et Patrice Sanon, ODSAD (Organisation pour le droit à la santé et le développement, ONG burkinabè).