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Le pays s’enlise, la malnutrition s’enracine

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Au mois de décembre, la coalition rebelle du Séléka (l'Alliance) prenait les armes en République Centrafricaine (RCA) puis s'emparait de presque la moitié du pays. Les négociations de paix engagées à Libreville en Janvier et la création d'un gouvernement d'union nationale avaient permis un relatif retour au calme, mais pas pour autant un retour à la normale. La situation humanitaire demeure aujourd'hui précaire, l'accès aux soins médicaux est perturbé depuis des semaines, les déplacements de population importants et la sécurité alimentaire menacée. Action contre la Faim alerte sur les risques que l'enlisement ou la reprise des combats - et les tensions des derniers jours sont préoccupants - fait peser sur une situation humanitaire et nutritionnelle déjà alarmante.

La RCA est en train de s'enliser. La situation humanitaire dans le pays est inquiétante, aggravée par une insécurité persistante. A la mi-février, le HCR estimait que 80.000 civils avaient fui leurs villages.

Action contre la Faim, qui a envoyé une équipe d'urgence sur le terrain, dans La province de la Kémo et en préparation d'une réponse d'urgence sur Bangui, au mois de janvier, a pu observer les effets dramatiques de ces déplacements sur l'accès aux soins et l'insécurité alimentaire : suite aux évènements survenus depuis décembre, la situation sanitaire s'est fortement dégradée en raison de la fuite du personnel de santé ayant dû se réfugier dans la brousse par peur de menaces, pillages et autres exactions. Certains d'entre eux ont rapporté des pressions pour donner des médicaments ou leurs outils de travail (motos et véhicules de services volés), dans un contexte général de détérioration de la sécurité.

Des populations isolées

Par ailleurs, la population elle-même se trouve souvent dans l'impossibilité d'avoir accès à ces structures de santé abandonnées et sans ressources. Action contre la Faim a ainsi noté une fréquentation en nette baisse des centres de traitement de la malnutrition, liée à la peur des populations réfugiée en brousse, l'absence de personnels pour les recevoir, l'absence de traitements comme à l'indisponibilité d'argent pour payer les soins. Dans ce contexte, les traitements traditionnels sont souvent privilégiés en raison d'un manque de moyen et d'accès aux structures sanitaires. Il a également été rapporté que de nombreuses femmes enceintes accouchaient en brousse loin de toute structure sanitaire. Si dans la ville de Sibut, par exemple, l'hôpital a vu le nombre de consultations diminuer, de nombreux patients étant contraints d'abandonner le suivi du traitement du VIH ou de la tuberculose, entre autres pathologies.

Une situation alimentaire fragilisée...

Par ailleurs, le commerce a été interrompu depuis le mois de décembre 2012 entre la zone tenue par la coalition rebelle Seleka et le reste du pays, stoppant les transactions. Les effets de cette situation sur la capacité des habitants se nourrir sainement est inquiétante. Dès le mois de janvier dans le district du Kémo, les données collectées ont permis d'estimer en janvier un déficit alimentaire moyen actuel sur tous les types de denrées de 25%, principalement sur les produits de premières nécessités et les importations commerciales (huile, sel, savon) par manque de sources d'alimentation, dû essentiellement au blocage des transports et des échanges commerciaux. Dans cette province, la consommation de céréales a baissé suite à la crise, ainsi que celle de poisson, huile. Une situation inquiétante dans une zone qui enregistre les taux de sous-nutrition1 les plus élevés du pays. Notons que la situation est inversée en capitale ou les prix ont augmenté significativement concernant les denrées alimentaires de base tel le manioc.

Le stock alimentaire s'épuisant de jour en jour sans être renouvelé, la période de soudure, (période pendant laquelle les greniers sont vides entre deux récoltes), qui a lieu habituellement en avril-juin, pourrait être avancée d'un à deux mois, y compris dans le cas d'un retour des déplacés dans leurs zones d'origine. Cette situation a mené le Programme alimentaire mondial (PAM) à avertir qu'une grave crise alimentaire guettait la République centrafricaine.

... dans un pays exsangue

Que se passera-t-il si ces prévisions se confirment, dans un pays déjà exsangue, un pays où les structures de santé sont déjà quasi-inexistantes, un pays où, rappelle Action contre la Faim,

· plus d'1 enfant sur 10 n'atteint pas son premier anniversaire,

· on compte 3 médecins généralistes pour 100 000 habitants

· l'espérance de vie, qui ne dépasse pas la barre des 50 ans, est la deuxième plus faible espérance de vie au monde1 ?

· dans certaines localités, selon une étude récente 2, les taux de mortalité excèdent ceux des camps de réfugiés somaliens de Dadaab au Kenya en 2011 ou du Darfour en 2004

Action contre la faim alerte sur les dangers d'un enlisement qui rendraient plus vulnérables encore les populations. Elle insiste sur la nécessité de travailler sur les causes structurelles de la vulnérabilité dans le pays et le renforcement des infrastructures locales, notamment dans la prise en charge de la sous-nutrition.