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Ituri : des acteurs de la société civile reçoivent une formation pour lutter contre les discours de haine

Countries
DR Congo
Sources
MONUSCO
Publication date
Origin
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JEAN-TOBIE OKALA

Quarante acteurs sociaux de la province de l'Ituri ont suivi une formation de deux jours à Bunia avec l'appui du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l'Homme de la MONUSCO.

Consciente du fléau et du poids négatif qu'il représente dans des contextes aussi fragiles comme celui de la RDC en général et de l'Ituri en particulier, l'antenne provinciale de la Commission nationale des droits de l'Homme (CNDH), avec l'appui du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l'Homme de la MONUSCO à Bunia, a organisé du mercredi 24 au jeudi 25 août 2022 un atelier de formation sur le monitoring des discours de haine et l'élaboration de stratégies de prévention et de lutte contre les discours de haine dans la province de l'Ituri.

Les participants, une quarantaine, sont issus de différentes couches sociales des cinq territoires de la province, notamment la société civile, les journalistes, les leaders communautaires, les groupements de femmes et de jeunes, les autorités provinciales, l'administration, les forces de défense et de sécurité, la justice militaire, les partis politiques... L'objectif de l'atelier est de doter les acteurs de la société civile d'outils qui leur permettent d'être capables de caractériser et de déceler les discours de haine, puis d'en faire le monitoring afin de les prévenir.

Les discours de haine sont définis par les Nations Unies comme « tout type de communication dans le discours, l'écriture ou le comportement qui attaque ou utilise un langage péjoratif ou discriminatoire en référence à une personne ou à un groupe sur la base de qui ils sont - en d'autres termes, en fonction de leur religion, de leur origine ethnique, de leur nationalité, de leur race, de leur couleur, de leur ascendance, de leur sexe ou d'autres facteurs identitaires ».

L'ONU estime que les discours de haine sapent les efforts de restauration de la paix sociale et du vivre-ensemble. Les acteurs de la société civile indiquent que les discours de haine sont généralement à la base de plusieurs conflits intercommunautaires qui émaillent la province de l'Ituri. Selon eux, plusieurs conflits en cours dans cette province tirent leurs sources de discours sur fond ethnique, religieux, racial ou encore historique.

"On voulait quand même avoir une certaine couche de la population qui a des responsabilités au sein de notre société ici en Ituri ; les leaders communautaires, les hommes politiques, les confessions religieuses.... On les a réunis pour voir ensemble quelles stratégies mettre en place pour lutter contre les discours de haine", a déclaré la coordonnatrice province de la CNDH en Ituri, Marie Pacuremia. Elle estime que les discours de haine sont pratiqués aussi au sein de cette couche des responsables communautaires.

"On voulait aussi faire savoir à la communauté que nous ne devons pas être manipulés, que nous ne devons pas nous manifester contre telle ou telle ethnie, cela détruit notre province l'Ituri. Ce que nous faisons aujourd'hui, c'est de voir ensemble comment faire la sensibilisation au sein de notre communauté, pour pouvoir bannir, enlever, déraciner tout discours discriminatoire pour que plus jamais, cela ne revienne et ne se répète", précise-t-elle.

Evoquant l'impact des discours de haine dans sa province, elle affirme que les discours de haine rabaissent l'Ituri. « On dirait même l'enfer : on ne peut plus vivre en communauté ni partager... La cohésion sociale est vraiment menacée, mais pas seulement : la paix, le développement durable et on est là, on est divisés ».

Réseaux sociaux, responsables...

Deux jours durant, les participants ont donc été outillés grâce à plusieurs notions et thématiques, notamment la définition des discours de haine, la présentation sur le cadre normatif national de prévention et de répression des discours de la haine ;le rôle et la responsabilité des hommes et femmes politiques et leaders communautaires ; le rôle et la responsabilité des médias dans la prévention des discours de haine... ou encore le monitoring du discours de haine et le respect de la liberté d'expression.

Marc-Josué Kapinga, chef d'équipe de la protection au sein de la société civile/Forces vives de l'Ituri et défenseur des droits humains, a ainsi déclaré : « Cet atelier m'a beaucoup impressionné. Toutes les présentations du premier jour m'ont même donné l'idée de proposer à notre Assemblée nationale la révision de notre Constitution. Parce qu'il y a beaucoup d'articles de la Constitution qui sont à la base de l'incitation des gens à la culture de la haine et à la discrimination ». Et d'expliquer : « Lorsque le gouvernement a appliqué le système d'une administration des originaires, cela a tout bouleversé et a créé des discriminations, de la haine et consorts. Alors, il y a lieu maintenant que notre Assemblée nationale, le législateur, puisse revoir les choses pour retourner le pouvoir au président de la République de nommer les gouverneurs, et ça va changer encore pour qu'on puisse recourir à l'unité nationale ».

M. Kapinga plaide aussi pour l'amélioration de la gouvernance des réseaux sociaux qui sont les principaux canaux pour la propagation des discours de haine. « Le phénomène des réseaux sociaux pose des problèmes. Aujourd'hui tout le monde se dit journaliste et écrit ce qu'il veut sur les réseaux sociaux. Sans que l'on sache qui il ou elle est, quelle sont ses sources... Est-ce qu'il n'y a pas moyen qu'on puisse améliorer la gouvernance des réseaux sociaux afin que celui ou celle qui présente ou diffuse des images sur tel réseau social puisse aussi se présenter et dire qui il/elle est ? », s'interroge-t-il.

Au terme de l'atelier de formation, un plan d'action sur la sensibilisation, la prévention et la lutte contre les discours de haine dans la province de l'Ituri a été mis en place. Rappelons que la MONUSCO a défini son plan d'action stratégique contre ce fléau cette année ; celui-ci s'aligne sur le plan d'action général et la stratégie des Nations Unies sur les discours de haine, adopté en 2018.

De son côté, le Bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l'Homme, BCNUDH, dans la droite ligne de sa mission de promotion et de protection des droits humains, travaille sur cette thématique des discours de haine en vue de consolider les acquis des droits de l'Homme engrangés jusque-là, dans un contexte de retrait progressif de la MONUSCO du pays.