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Armes explosives : Une déclaration pour limiter les dommages causés aux civils

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HRW
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Tous les pays devraient s’engager à éviter l’utilisation de ces armes dans les zones peuplées

(Genève, le 16 juin 2022) - Une nouvelle déclaration politique permettrait de mieux protéger les civils dans les conflits armés en intégrant un engagement des gouvernements à éviter le bombardement et le pilonnage de villes, de villages ou d’autres zones peuplées, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les gouvernements se réuniront aux Nations Unies à Genève le 17 juin 2022 pour finaliser le texte définitif du projet de Déclaration sur la protection des civils contre l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées.

Les armes explosives, comme les bombes aériennes, les roquettes, les projectiles d’artillerie et les missiles, non seulement tuent et blessent les civils au moment de l’attaque, mais ont également des effets indirects, ou des effets « domino », à plus long terme. Ces armes endommagent les infrastructures, ce qui a pour résultat de perturber les services de base, tels que les soins de santé et l’éducation, et de porter atteinte aux droits humains. Elles causent également des dommages environnementaux et provoquent le déplacement de communautés.

« Les conflits armés actuels montrent qu’il est urgent de s’unir autour d’un objectif : empêcher les dommages prévisibles causés aux civils par l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées », a déclaré Steve Goose, directeur de la division Armes à Human Rights Watch. « Tous les pays devraient approuver la déclaration proposée sur la limitation du recours aux armes explosives, et s’assurer de sa mise en œuvre efficace afin de protéger les civils. »

Dans son rapport annuel 2022 au Conseil de sécurité de l’ONU sur la « Protection des civils en période de conflits armés », le Secrétaire général António Guterres a insisté sur ce type de préjudice en appelant à une déclaration qui engage les pays à renoncer à l’utilisation d’armes explosives à large rayon d’impact dans les zones habitées. Cette pratique a causé des dommages immédiats et durables aux civils en Arménie, en Azerbaïdjan, en Éthiopie, en Libye, en Syrie, en Ukraine, au Yémen et dans d’autres conflits ces dernières années.

La déclaration politique permet de faire progresser la protection des civils de plusieurs manières, a déclaré Human Rights Watch. Elle reconnaît que les effets directs et dominos des armes explosives sont prévisibles lorsque celles-ci sont utilisées dans des zones peuplées. Et elle note que les risques augmentent en fonction de la puissance explosive des armes, de leur niveau de précision et du nombre de munitions utilisées. Ces facteurs créent des effets de zone étendue et rendent les armes explosives inadaptées à une utilisation dans des villages, villes et agglomérations peuplés, a déclaré Human Rights Watch.

La déclaration politique prévoit que les gouvernements s’engagent à mettre en œuvre des politiques et pratiques nationales qui cherchent à éviter les dommages aux civils en « limitant ou en renonçant à » l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées. Cette disposition doit être comprise comme signifiant que les pays doivent s’abstenir d’utiliser des armes explosives à effets de zone étendue dans les zones peuplées et doivent limiter l’utilisation d’autres armes explosives.

D’autres dispositions clés de la déclaration comprennent des engagements à aider les victimes, à faciliter l’accès humanitaire, à recueillir et à partager des données sur les effets des armes explosives, et à organiser des réunions de suivi pour promouvoir les engagements de la déclaration.

S’il n’existe pas d’interdiction spécifique sur l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées, certaines armes, en particulier celles dont les effets ne peuvent être limités de manière adéquate, peuvent être illégales. Deux types d’armes explosives – les mines terrestres antipersonnel et les armes à sous-munitions – ont été purement et simplement interdites en raison de leurs effets indiscriminés sur les civils. Ces armes ne devraient jamais être utilisées par des forces ou groupes armés, quelles que soient les circonstances, a déclaré Human Rights Watch.

« Si les gouvernements mettent correctement en œuvre la déclaration sur les armes explosives, elle aura la capacité de modifier positivement le comportement des armées du monde entier, » a déclaré Steve Goose. « Le succès de la déclaration repose sur l’articulation d’interprétations fortes, la définition de normes dans les politiques nationales, l’adaptation de la doctrine militaire et le perfectionnement des pratiques. »

Les déclarations politiques engagent les pays à atteindre des objectifs fixés d’un commun accord. Bien qu’ils ne soient pas juridiquement contraignants, ces engagements ont un poids important car ils peuvent contribuer à clarifier l’applicabilité du droit international existant à une situation spécifique ou à définir des normes de conduite qui vont au-delà du droit existant. Par exemple, la Déclaration sur la sécurité dans les écoles de 2015, actuellement approuvée par 114 pays, vise à limiter l’utilisation militaire des écoles et à faire en sorte que les enfants puissent continuer d’aller à l’école pendant les conflits.

Le processus de création d’une déclaration politique sur les armes explosives a débuté après que l’Autriche a accueilli en octobre 2019 une conférence sur la « Protection des civils lors de conflits armés en zone urbaine ». L’Irlande a organisé les deux premiers cycles de consultations sur le texte en 2019 et 2020, mais la pandémie de Covid-19 a reporté les dernières négociations diplomatiques à cette année.

Plus de 70 pays ont participé au dernier cycle de négociations du 6 au 8 avril. Les agences de l’ONU concernées, le Comité international de la Croix-Rouge et des organisations non gouvernementales ont également pris part à cet événement.

Human Rights Watch est cofondateur du Réseau international sur les armes explosives (International Network on Explosive Weapons, INEW), une coalition créée en 2011 par des groupes de défense des droits humains, humanitaires, juridiques et autres pour réclamer une telle déclaration et des positions opérationnelles et politiques visant à mettre fin à l’utilisation d’armes explosives à effets de zone étendue dans les zones peuplées.

Une fois que la déclaration politique aura fait l’objet d’un accord, elle sera ouverte à l’approbation de tous les États lors d’une réunion de signature à haut niveau qui se tiendra plus tard en 2022. Il n’est pas certain que les États-Unis signent cette déclaration. Ils faisaient partie d’une minorité de pays qui ont cherché à diluer la déclaration en proposant des engagements plus modestes sur le thème plus large de la guerre urbaine.

« La déclaration sur les armes explosives répond à un phénomène avéré et dévastateur de préjudice causé aux civils, qui pousse les gens à fuir leurs foyers et leur fait perdre leurs moyens de subsistance », a conclu Steve Goose. « Les pays soucieux de respecter les lois de la guerre ne devraient pas hésiter à approuver cette déclaration, et à se doter de politiques et de procédures efficaces pour la mettre en œuvre. »

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