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Republique du Congo - Analyse de la situation alimentaire et nutritionnelle des peoples autochtones, Juillet 2021

Countries
Congo
Sources
WFP
Publication date
Origin
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I. Résumé analytique

La situation alimentaire des peuples autochtones est peu enviable. Les facteurs qui déterminent ce tableau sombre sont à trouver sur le terrain juridique. Le profil sociodémographique et socioéconomique que présente ces peuples rend également difficile la jouissance du droit à l’alimentation et à la nutrition. A cela, il faut ajouter les politiques publiques défaillantes, les normes sociales discriminatoires perpétuant les inégalités ; les difficultés pour les autochtones d’exercer les Activités Génératrices de Revenus (AGR), ainsi que celles de l’ensemble des parties prenantes à améliorer les indicateurs de consommation et de sécurité alimentaires de ces peuples.

En effet, le droit positif congolais reconnait le droit à l’alimentation des peuples autochtones. Toutefois, l’effectivité de ce droit est très loin d’être assuré. A l’origine de la situation, les difficultés de l’Etat (voire aussi de ses partenaires techniques) à élaborer et mettre en œuvre une politique publique cohérente et efficace susceptible de créer des services et des structures pour concrétiser ce droit. Accessoirement, il faut aussi souligner les faibles capacités des peuples autochtones à saisir les maigres opportunités existantes et, surtout, à revendiquer leurs droits.

Les indicateurs qui caractérisent ces peuples au plan sociodémographique dévoilent l’ampleur des défis à relever afin qu’ils deviennent les acteurs dynamiques de la réalisation de leur droit à l‘alimentation. La structure par sexe et par âge est typique d’un pays en développement : large à la base avec un rétrécissement rapide à mesure que l’on remonte dans la répartition par âge. Une telle situation présente de nombreux défis pour le gouvernement à l’endroit des peuples autochtones en termes d’offre des services de base et de planification pour la prochaine génération.

L’enquête a révélé que les ménages dont les chefs n’ont aucune instruction représentent 55,66%. Un seul chef de ménage sur un total de 433, soit 0.23% a atteint le niveau d’enseignement supérieur. Cette sous-représentation dévoile le chemin qui reste à parcourir pour l’atteinte de l’Objectif du Développement Durable (ODD) 4.5 au Congo, puisqu’elle vise, d’ici à 2030, à éliminer les inégalités entre les sexes dans le domaine de l’éducation et assurer l’égalité d’accès des personnes vulnérables, y compris les autochtones, à tous les niveaux d’enseignement et de formation professionnelle. D’ailleurs, selon la Banque Mondiale, les inégalités sont plus élevées en République du Congo qu’ailleurs dans le monde!

Dans les ménages autochtones enquêtés (98,6%), on dénombre au moins une maladie tropicale (paludisme, lèpre, pian, filariose, schistosomiase, monkeypox, ténia,

etc.). Ces maladies sont très handicapantes. Elles ne facilitent pas la pratique des AGR.
La situation socioéconomique des peuples autochtones n’est pas meilleure. Le taux de pauvreté monétaire des autochtones est plus de deux fois supérieur au taux de pauvreté du reste de la population, car près de neuf autochtones sur dix sont pauvres.

Cela veut dire que les peuples autochtones ne tirent pas assez profit de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche ; encore moins de la commercialisation des PFNL. Pourtant, une étude a déjà montré que le commerce des PFNL dans sept grandes villes du Congo a généré près de deux mille (1997) emplois dans les proportions suivantes : le gnetum (1450), les Marantacées (260), la cola (181), le rotin (106). Ces chiffres prouvent à suffisance que l’activité des PFNL peut contribuer à créer des véritables PME en milieu rural et à lutter contre l’insécurité alimentaire.

La barrière économique innerve négativement la consommation des certains biens et services, en même temps que cela freine l’autochtone à devenir un véritable agent économique.

Seulement 35,29% des ménages autochtones ont accès à une source d’eau améliorée en milieu rural contre 48,48% en milieu urbain. Il y a plus de ménages qui n’utilisent pas les sanitaires, soit 64%. En outre, 55,1% des individus interrogés ne se lavent pas les mains avant et après chaque repas. Ce constat rejoint celui fait au niveau national par quelques. Il est révélé que l'assainissement (eau, gestion des déchets, hygiène) est pauvre en République du Congo. Cela affecte de manière disproportionnée les femmes, en tant qu'utilisatrices principales de l'eau. Les femmes congolaises passent beaucoup de temps à chercher de l'eau, ce qui bloque le temps qui pourrait être utilisé pour les activités génératrices de revenus. La collecte d'eau met aussi les femmes et les filles dans une situation de vulnérabilité en les exposant à la violence sexuelle. L'accès insuffisant à des sanitaires appropriés dans les écoles conduit à une mauvaise hygiène menstruelle.

S’agissant des contraintes liées à la pratiques des AGR, l’enquête révèle par degré d’importance les données suivantes : le manque de cash pour investir / acheter du stock et le manque ou la perte de moyens de production (manque de terre/ équipements de production/semence). Ces deux données représentent les deux principaux obstacles rencontrés par les autochtones pour la réalisation des AGR. Toutefois, l’absence de marché ou l’éloignement de celui-ci constitue également une contrainte non moins importante.
En général, le manioc est la première culture vivrière des autochtones pour les cinq départements enquêtés. S’ensuit, la banane plantain pour le Kouilou, la Sangha et la Likouala. Dans la Lékoumou, la production de l’igname est assez significative, à l’instar des Plateaux. Ainsi pour les besoins de subsistance alimentaires, les deux principales cultures vivrières sont le manioc et la banane plantain. La culture du riz est une exclusivité des régions du Kouilou et des Plateaux.

Toutefois la pratique de l’agriculture par les peuples autochtones du Congo est à l’épreuve des difficultés d’accès à la terre. Du point de vue de droit, les peuples autochtones ne sont pas propriétaire des terres sur lesquelles ils vivent, car la propriété implique le libre exercice de l’'usus (le droit d'utiliser un bien), du fructus (le droit de disposer des fruits : récoltes, dividendes, loyers…de ce bien), et de l'abusus (le droit de transformer ce bien, de s'en séparer, de l'aliéner ou de le détruire). Certes, la Loi n°5-2011 reconnait les droits fonciers particuliers des populations autochtones (art. 31, 32 et 34), mais les dispositions des autres textes semblent parfois contredire ou, du moins, limiter la jouissance des droits énoncés par ce texte juridique. Tel est le cas de La loi n° 21-2018 du 13 juin 2018 fixant les règles d’occupation et d’acquisition des terres et terrains qui supprime les organes de reconnaissance et de constatation des droits fonciers coutumiers au profit d’une commission nationale (art. 8), fait de l’arrêté de reconnaissance des terres coutumières ou tout outre document (permis d'occuper, contrat de cession, etc.) susceptible de rapporter la preuve de la possession de la terre par les peuples autochtones, des titres précaires au profit du seul et onéreux titre foncier (art. 29).

Face à la difficulté d’accès à la terre, les peuples autochtones recourent à certaines pratiques telles que la location des terres agricoles et le métayage.

Enfin, la faible culture associative limite également la production agropastorale des peuples autochtones. En effet, très peu d’autochtones mutualisent leurs efforts, à travers les groupements agricoles, pour produire plus ; à l’exception notable de la Lékoumou où, grâce à l’appui multiforme de l’Etat et des partenaires tel que le PAM, les peuples autochtones joignent leurs mains pour cultiver la terre.
Tout ce qui vient d’être dit supra imprègne négativement la situation alimentaire et nutritionnelle des peuples autochtones.
De manière globale, 3 ménages sur 4 enquêtés ont un score de consommation alimentaire pauvre. La diversité alimentaire de tous les ménages enquêtés est mauvaise. La situation reste plus accentuée pour les ménages enquêtés en milieu urbain. En outre, en moyenne un ménage autochtone consomme 1,57 repas par jour.
Le modèle de consommation alimentaire indique que les aliments transformés sont faiblement consommés par les peuples autochtones. Les aliments importés comme le riz, la volaille sous forme de poulet et cuisse de poulet et le pain et les beignets ont une fréquence de consommation élevée. Les exhausteurs de goût notamment les cubes (5,09 grammes, 6,52 grammes et 4,53 grammes de cubes) sont consommés journalièrement respectivement en milieu rurale, semi-urbain et urbain. Le glutamate monosodique plus connu sous le nom de sel de chine est largement consommés dans la quasi-totalité des départements avec une fréquence élevée.

Les individus vivant en zone rurale ont des apports énergétiques élevés 2005,01 Kcal contre 1385,53 Kcal et 1694,94 Kcal respectivement pour les habitants vivant dans les zones semi-urbaines et urbaines. Les individus basés en zone urbaine ont des apports légèrement supérieurs à ceux des zones semi-urbaines.

Au final, la sécurité alimentaire chez les peuples autochtones est un grand défi qui reste à relever, car le taux de prévalence de l’insécurité alimentaire parmi les ménages autochtones enquêtés est de 45,90%.

17,80% des ménages seulement sont en sécurité alimentaire, c’est-à-dire qu’ils sont capables de répondre aux besoins alimentaires et non-alimentaires sans s'engager dans des stratégies d'adaptation atypique.

40,30% sont en insécurité alimentaire modérée. Cela signifie que les autochtones appartenant à cette catégorie éprouvent d’importantes lacunes en matière de consommation alimentaire ou, marginalement, ils sont en mesure de répondre aux besoins alimentaires minimum sans s’engager dans des stratégies d'adaptation irréversibles.

5,60% sont en insécurité alimentaire sévère. Les autochtones de cette catégorie ont d’extrêmes lacunes de consommation alimentaire, ou ont connu une perte drastique de moyens de subsistance.

Face à ces contraintes, pour répondre à leurs besoins alimentaires, les peuples autochtones ont plus adopté les stratégies suivantes :

➢ Recourir à des aliments moins coûteux et/ou moins préférés ;

➢ Emprunter de la nourriture ou demander de l’aide à un ami/parent ;

➢ Réduire la quantité des nourritures consommées ;

➢ Réduire la part de repas des adultes pour permettre aux enfants d’avoir plus de nourriture ;

➢ Réduire le nombre de repas consommés par jour.

Que préconiser pour apporter une réponse adéquate aux problèmes identifiés ?
L’amélioration de l’accès régulier et permanent à une alimentation et une nutrition quantitativement et qualitativement adéquates et suffisantes, correspondant aux traditions culturelles des peuples autochtones peuples, est une entreprise ardue mais pas impossible. Elle nécessite la mise en œuvre d’une approche à la fois systémique et holistique. Cela suppose l’implication aussi bien des porteurs d’obligations que sont le Gouvernement et ses partenaires non étatiques (par exemple le PAM et les OSC) que des titulaires des droits eux-mêmes, à savoir les peuples autochtones. Cela suppose, en outre, la prise en compte des différentes dimensions stratégiques, opérationnelles, environnementales et sécuritaire de la question. Les Nations Unies ne disent pas autre chose, lorsque dans un récent rapport, l’Organisation internationale fait des prescriptions suivantes, comme voie à suivre pour résoudre la lancinante question de l’insécurité alimentaire dans le monde :

i) intégrer l’action humanitaire, les politiques de développement et la consolidation de la paix, dans les zones touchées par des conflits; ii) renforcer la résilience face aux changements climatiques dans l’ensemble du système alimentaire; iii) renforcer la résilience des plus vulnérables face à l’adversité économique; iv) intervenir le long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire en vue de réduire le coût des aliments nutritifs; v) lutter contre la pauvreté et les inégalités structurelles en veillant à ce que les interventions soient favorables aux pauvres et inclusives; et vi) renforcer l’environnement alimentaire et changer le comportement des consommateurs afin de favoriser des habitudes alimentaires ayant une incidence positive sur la santé humaine et sur l’environnement.