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Cartographie des potentielles sources de conflits existant entre les réfugiés maliens et la population hôte dans la Moughataa de Bassikounou, Mauritanie - Janvier 2020

Países
Mauritania
Fuentes
Int'l Alert
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1.1. Contexte de l’étude

Le philosophe canadien Charles Taylor affirme dans son ouvrage intitulé L’âge séculier6 (Taylor 2007, 695) que notre époque exige des personnes une solidarité et une bienveillance jusqu’ici inédites. En effet, jamais auparavant, il a été demandé aux gens de tendre autant la main, de façon si constante, si systématique et si spontanée à l’étranger derrière la barrière7 . D’une manière générale, il ressort des études récentes8 que le nombre de personnes déplacées de force n’a jamais été aussi élevé depuis la Seconde Guerre mondiale — 79,5 millions d’enfants, de femmes et d’hommes à la fin de 2019, un chiffre en hausse continue.

La Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés de 1951 et son Protocole additionnel de 1967, définit un réfugié comme « toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social particulier ou de son opinion politique, soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays; soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner »(art. 1). La Convention de 1969 de l’Organisation de l’Unité africaine étend cette définition pour inclure non seulement les personnes qui fuient la persécution, mais aussi celles qui fuient leur pays d’origine « du fait d’une agression, d’une occupation extérieure, d’une domination étrangère ou d’évènements troublant gravement l’ordre public »10 (art. 1(2)). De même, la Déclaration de Carthagène de 198411 et la protection subsidiaire de l’Union européenne12 étendent la protection internationale à un plus grand nombre de bénéficiaires.

Véronique Lassailly-Jacob13 définit le déplacement forcé comme « un mouvement de population qui n’est pas le fruit d’une stratégie préétablie des intéressés, mais résulte d’une crise (…) dont l’ampleur est telle qu’elle ne peut être résolue que par la fuite (…). Il s’agit d’un déplacement induit non pas par la recherche d’un « ailleurs prometteur » (…) mais par des forces d’expulsion vers d’autres lieux qui n’ont pas été souhaités et qu’on pourrait qualifier de « moins pire » (…). C’est une mobilité qui est « rupture » (…) dans le fonctionnement d’une société et de son espace de vie. Le départ (…) s’accompagne d’un traumatisme. Il n’est pas aisé de saisir dans toute sa complexité les causes d’une migration forcée.

Avec la crise sécuritaire que connaît le Mali depuis 2012, la Mauritanie, l’un des pays limitrophes, a été la destination des populations civiles du Nord. Fuyant les exactions de la guerre suite aux violences du Mouvement National de libération de l’Azawad (MNLA), et des autres groupes armés ayant débouché sur l’occupation de cette partie du territoire par les djihadistes14, la grande partie de ces déplacés ont trouvé refuge à Mbera, un des villages de la Moughataa de Bassikounou, situé au sudest de la capitale de la Mauritanie. Mariame Sidibé explique dans sa thèse15 que le mouvement de population engendré par cette dernière crise de 2012 est sans aucun doute le plus important en termes de nombre de déplacés et de réfugiés, et de variété des profils (ethnique, sociologique, d’âge) concernés. Le Bureau pour la Coordination des Affaires Humanitaires de l’ONU (OCHA), déjà en février 2013, chiffrait 430 978 déplacés internes et 170 313 réfugiés au Niger, au Burkina, en Mauritanie et en Algérie. Ces réfugiés maliens, en majorité femmes et enfants sont Touaregs, Arabes,
Peuls, Songhais, Bellas, Bambaras. Ils sont principalement éleveurs, commerçants, artisans, ouvriers et employés de ménage. Au camp de Mbera, les réfugiés maliens ont été accueillis et installés par les autorités mauritaniennes et le HCR.

La ville de Bassikounou qui comptait environ 42 000 habitants16 a vu l’arrivée de plus de 75 495 réfugiés installés dans le camp de Mbera et enregistrés individuellement à la date du 31 mai 2013, ce qui sans nul doute constitue un poids de plus à supporter pour la ville sur le plan socioéconomique, qui avait été marquée par de mauvaises récoltes liées à une pluviométrie insuffisante 18 . Les réfugiés qui s’étaient déplacés avec leurs animaux pratiquent ainsi l’élevage aux alentours du camp des réfugiés19 tandis que certains effectuent des petits travaux et du commerce20. Les autres qui ne peuvent que monnayer leur force physique se sont adonnés aux travaux de ménage ou à d’autres travaux physiques soit à l’intérieur du camp, soit en ville. Tout cela a contribué à créer une tension sociale et à exercer une pression sur les différentes ressources locales que sont les services sociaux de base, les ressources naturelles et les ressources pastorales. L’afflux des réfugiés pose alors la problématique de cohabitation paisible avec la population hôte.
Bassikounou est une des sept moughataas (département) et une ville de la Wilaya (région) de Hodh el Chargui, dans le sud-est de la Mauritanie, à près de 1 200 kilomètres de la capitale Nouakchott.

Cette moughataa comprend quatre villes (ou communes) que sont Bassikounou, El Megve, Fassala et Dhar. Avec un climat aride en général et une température élevée, Bassikounou est une zone entièrement désertique. La pluie tombe généralement pendant la période hivernale (juillet à septembre). La population totale s’élève à environ 42 000 habitants23 . La moughataa de Bassikounou est située sur la bande frontalière avec le Mali. Elle est limitée à l’est par la région malienne de Tombouctou et au sud par la commune de Nampala. Son économie est essentiellement basée sur le commerce et l’élevage, même si certains sont artisans et ouvriers. Par ailleurs, il existe d’autres activités porteuses avec l’ouverture des écoles, structures de santé, entreprises, forages. Aussi, la route de l’Espoir passant par Bassikounou et Fassala devait relier le sud-est de la Mauritanie au Mali et en particulier la zone de Nampala actuellement en crise majeure.

Le camp de Mbera (camp des réfugiés maliens) est situé à une vingtaine de kilomètres à l’est de la ville de Bassikounou, avec une superficie d’environ 9 km² et une population réfugiée estimée à environ 62 65524 . Mbera, loin d’être l’une des grandes villes administratives de la moughataa de Bassikounou, l’est devenue par sa taille actuelle vu qu’elle accueille au plan démographique un nombre de réfugiés plus élevé que celui de la population locale. Ce qui pourrait constituer une pression forte sur les ressources locales et d’éventuels problèmes de cohabitation avec la population hôte.