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Mort d’un chef de guerre en République centrafricaine

Pays
République centrafricaine
Sources
HRW
Date de publication
Origine
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D’autres commandants du groupe armé 3R devraient être amenés à répondre de leurs crimes

Lewis Mudge
Directeur, Afrique centrale
LewisMudge

La mort d’un des chefs de guerre les plus violents de République centrafricaine a été confirmée au début du mois. Sidiki Abbas, président et fondateur du groupe armé « Retour, Réclamation et Réhabilitation » ou 3R, laisse derrière luiun lourd héritage d’impitoyable violence et d’abus dans la province d’Ouham Pendé, dans le nord-ouest du pays. Au cours des six dernières années, je me suis entretenu avec nombre de victimes et survivant·e·s d’attaques perpétrées par le 3R, qui ont décrit de nombreux cas de viols et raconté avoir vu les rebelles tuer par balles des membres de leurs familles ou détruire leurs maisons.

Le groupe 3R est apparu vers la fin de l’année 2015, prétendant que sa présence était nécessaire pour protéger la minorité peule contre les attaques des milices anti-balaka, qui prenaient pour cible les musulmans. En dépit de son rôle dans des atrocités généralisées, dont des crimes de guerre et de possibles crimes contre l’humanité, Abbas a été nommé, en mars 2019, conseiller militaire spécial à la primature, en guise de concession en vertu d’un accord de paix signé un mois plus tôt à Khartoum, au Soudan.

Et pourtant, ses combattants ont continué de perpétrer des attaques. En mai 2019, des miliciens du 3R ont tué au moins 46 civils dans la province d’Ouham-Pendé. Le 20 mai, à la veille d’une de ces attaques contre la localité de Bohong, Abbas avait averti les autorités locales: «Vous ne pouvez pas me faire la guerre. C’est moi qui vais vous la faire et je vous montrerai comment on se sert d’une arme. Je vais vous montrer qui je suis.» Le lendemain, ses combattants ont tué au moins 10 civils, et Abbas a été vu ensuite en train de coordonner le chargement sur des camions de marchandises pillées.

Par la suite, Abbas a abandonné son poste de conseiller et, fin 2020, le mouvement 3R a rejoint une nouvelle coalition rebelle qui a essayé d’avancer vers la capitale, Bangui. Selon le président de ce nouveau groupe, Abbas a été blessé en novembre 2020 lors de combats près de Bossembele, dans la province d’Ombella M’Poko, et a succombé à ses blessures le 25 mars.

Il y a eu deux constantes dans l’attitude d’Abbas: mépris pour les populations civiles et mépris pour la responsabilité. Quand je l’ai rencontré en février 2019, il m’a dit que les appels à la justice n’avaient aucune pertinence, et a mis en garde contre des «* problèmes *» si les tribunaux nationaux et internationaux continuaient à enquêter sur les crimes commis lors du conflit en République centrafricaine.

Bien qu’Abbas ne pourra jamais être amené à rendre compte de ses actes, sa mort souligne combien il est nécessaire de rendre enfin justice aux nombreuses victimes des crimes commis par le groupe 3R, y compris par l’ouverture d’enquêtes et de poursuites judiciaires à l’encontre des autres membres du haut commandement de ce groupe armé.

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