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Sahel : Ce qui doit changer Pour une nouvelle approche centrée sur les besoins des populations - Recommandations de la Coalition citoyenne pour le Sahel, Avril 2021

Pays
Niger
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Sources
Crisis Action
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Date de publication
Origine
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Bamako/Niamey/Ouagadougou, 13 avril 2021 – Une cinquantaine d’organisations de la société civile sahélienne et internationale ont présenté aujourd’hui leurs recommandations pour une nouvelle stratégie afin de ramener la paix au Sahel après 8 ans de conflit, à l’occasion de la publication d’un nouveau rapport de la Coalition citoyenne pour le Sahel

Le rapport« Sahel : Ce qui doit changer - Pour une nouvelle approche centrée sur les besoins des populations » se fonde sur une nouvelle analyse de données pour établir que les menaces contre les civils n’ont en fait cessé d’augmenter dans la région, malgré les efforts internationaux menés notamment par la France pour stopper l’avancée des groupes djihadistes à travers le Sahel, et plus particulièrement au Mali, au Burkina Faso et au Niger.

Plus de 2 400 femmes, hommes et enfants ont été tués dans des attaques menées par des groupes armés et dans le cadre d’opérations antiterroristes en 2020 – soit l’année la plus sanglante jamais enregistrée et une multiplication par sept depuis 2017.

Le nombre d’attaques des groupes dits djihadistes a été multiplié par cinq depuis 2016, atteignant plus d’un millier d’attaques en 2020.

L’année dernière, davantage de civils ont été tués ou blessés par les forces de sécurité sahéliennes que par les groupes djihadistes. Rien qu’au cours des quatre dernières semaines, plusieurs soldats tchadiens ont été arrêtés au Niger pour le violde plusieurs civils (dont une fille de 11 ans) qu’ils étaient censés protéger ; un rapport des Nations unies fait état de la mort de 19 civils dans une frappe aérienne française à Bounti, au Mali, en janvier 2021 ; et plus de 200 civils ont été tués en l’espace d’une semaine dans des attaques de villages dans les régions frontalières du Niger.

Près de 2 millions de personnes (dont environ 1,2 million d’enfants) ont été contraintes de fuir leur domicile en raison des violences depuis 2018.
Près de 15 millions de personnes ont désormais un besoin urgent d’assistance humanitaire- soit une augmentation de 60 % au cours de la seule année dernière.

Le rapport recommande une réorientation radicale de la stratégie actuelle, principalement axée sur la lutte contre le terrorisme, et préconise une approche qui privilégie la protection des civils, le dialogue entre toutes les parties au conflit, la lutte contre la corruption, l’amélioration de l’accès à l’aide humanitaire et la lutte contre l’impunité. Des indicateurs spécifiques, basés sur des données mesurables sont proposés pour mesurer et encourager les progrès dans chaque domaine sur une période de 6 à 12 mois (voir résumé des recommandations ci-dessous).

Soutenu par une coalition sans précédent de 48 organisations, le rapport réunit des associations locales tels que le Centre Diocésien de Communication (Burkina Faso), l’Association Malienne des Droits de l’Homme ou le Réseau Panafricain pour la Paix, la Démocratie et le Développement (Niger) ; des think tank ouest-africains tels que l’African Security Sector Network, AfrikaJom ou Wathi ; des organisations internationales de défense des droits humains (Human Rights Watch, FIDH), de construction de la paix (CIVIC) ou encore des ONG humanitaires (CARE, Médecins du Monde, NRC, Oxfam, entre autres).

**Citations de représentants de la Coalition citoyenne pour le Sahel **

Niagalé Bagayoko, Présidente de l’African Security Sector Network :

« En février, à N’Djamena, les chefs d’État sahéliens et le président Macron ont appelé, avec raison, à un "sursaut civil et politique" au Sahel - après avoir poursuivi pendant des années une stratégie essentiellement militaire. Les leçons tirées de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Somalie et du Nigeria nous montrent que les campagnes de lutte contre le terrorisme qui ne mettent pas la protection des civils au cœur des interventions échouent à ramener la stabilité.

"Ce nouveau rapport présente des recommandations concrètes se référant à des indicateurs précis, basés sur des données mesurables, pour mieux protéger les populations et s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité au Sahel, notamment la gouvernance. ».

Abdoulaye Bathily (Sénégal), historien, ancien ministre, ancien Représentant spécial adjoint du Secrétaire général de l’ONU pour le Mali.

« L’extrémisme au Sahel présente une menace bien réelle pour l’Afrique, la France, l’Europe et le reste du monde. Mais penser qu’il suffit de tirer sur les extrémistes ou de les bombarder pour les soumettre, c’est méconnaître complètement les problèmes de gouvernance qui alimentent la crise. Plus de civils été tués l’année dernière au Sahel par ceux qui sont censés les protéger des attaques djihadistes que par les djihadistes eux-mêmes. C’est le facteur de recrutement le plus efficace que les extrémistes puissent espérer. »

« Vaincre l’extrémisme nécessite un dialogue entre toutes les parties qui inclut les groupes de femmes et la société civile. Cela requiert une gouvernance solide pour réduire la corruption qui affaiblit les capacités de défense. Cela exige des mécanismes de suivi et une impunité zéro pour les violations des droits humains Cela nécessite aussi un meilleur accès à l’aide humanitaire et à l’éducation. »

« Si la France et d’autres partenaires internationaux peuvent travailler avec les gouvernements sahéliens, en coordination de l’Union africaine, pour atteindre ces objectifs et mettre en œuvre les recommandations de la Coalition citoyenne, alors la stabilisation de la région est à notre portée". »

Assitan Diallo, Présidente de l’Association des Femmes Africaines pour la Recherche et le Développement (AFARD, Mali) :

“Quand un tambour prend un rythme endiablé, c’est le moment de s’arrêter, ou de voir le tambour s’éventrer. Nous vivons dans un contexte d’enfer au Sahel. Les populations civiles ne sont pas seulement des victimes à secourir, elles sont aussi partie prenante de leur propre destin. C’est pour cela qu’il faut écouter la société civile sahélienne. Les chefs d’État ont finalement reconnu que le tout militaire ne marche pas. Ils doivent maintenant mettre en œuvre la nouvelle approche que nous proposons."

Pour plus d’information et des demandes d’interviews merci de contacter :

•Marc de Boni, FIDH : mdeboni@fidh.org, T+33 6 72 28 42 94

•Maya El Ammar, Crisis Action : maya.elammar@crisisaction.org, T +961 3 572 448

•Sylvain Biville, Crisis Action : sylvain.biville@crisisaction, T+33 6 68 12 11 53

A propos de la Coalition citoyenne pour le Sahel

La Coalition citoyenne pour le Sahelestune alliance informelle de plusieurs dizaines d’organisations de la société civile sahélienne et ouest-africaine, soutenues par des ONG internationales, dont l’objectif est de convaincre les gouvernements d’adopter une nouvelle approche au Sahel qui permette de mieux protéger les populations civiles. La Coalition citoyenne a été lancée en juillet 2020, avec la publication des Piliers citoyens, les quatre priorités qui devraient orienter toute réponse à la crise au Sahel.

Pour en savoir plus sur la Coalition citoyenne : https://www.sahelpeoplescoalition.org/Recommandations clés du rapport « Sahel : ce qui doit changer »

1.Placer la protection des civils au cœur de la réponse à la crise au Sahel

•Inscrire la protection des civils, pas seulement la lutte contre le terrorisme, au cœur du mandat de toutes les opérations militaires menées par les États sahéliens.

•Mesurer systématiquement l’impact sur les civils des opérations militaires et rendre compte de ces données dans les communiqués publics.

•Établir des mécanismes de suivi des dommages causés aux civils pour toutes les forces présentes au Sahel.

•Étendre la pratique des dédommagements en cas de dommages contre des civils.

2.Appuyer des stratégies politiques pour résoudre la crise de gouvernance au Sahel

•Un dialogue politique avec l’ensemble des parties aux conflits et la société civile, notamment des femmes et des jeunes, doit être activement soutenu et mis en œuvre par les gouvernements du Mali, du Burkina Faso et du Niger, aussi bien au niveau national que local, tout en étant publiquement encouragé par les partenaires internationaux.

•Les multiples initiatives de médiation et de réconciliation déjà engagées au niveau local gagneraient à être mieux coordonnées afin de pouvoir contribuer à un règlement politique global de la crise.

•Emblématique de la crise de gouvernance, le secteur de la défense et de la sécurité doit être rigoureusement soumis aux principes de bonne gestion des dépenses publiques.

3.Répondre aux urgences humanitaires

•Assurer un financement de la réponse humanitaire à la hauteur des besoins, qui prenne en compte les besoins spécifiques des femmes et des filles.

•Faciliter l’accès des populations dans le besoin à l’assistance humanitaire, aux moyens d’existence et aux services sociaux de base, sans discrimination.