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Situation au Mali - Rapport du Secrétaire général (S/2020/1281)

Countries
Mali
Sources
UN SC
Publication date

I. Introduction 1. Dans sa résolution 2531 (2020), le Conseil de sécurité a prorogé jusqu’au 30 juin 2021 le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et m’a prié de lui faire rapport tous les trois mois sur la suite donnée à la résolution. On trouvera dans le présent rapport les principaux faits survenus au Mali depuis mon précédent rapport (S/2020/952), en date du 29 septembre 2020. Conformément à la déclaration du Président du Conseil de sécurité du 15 octobre 2020 (S/PRST/2020/10), le présent rapport comprend également des informations à jour sur les mesures mises en œuvre par la Mission pour soutenir la transition politique.

II. Principaux faits nouveaux 2. L’actualité politique au Mali a continué d’être dominée par la mise en place des institutions de transition à la suite du renversement de l’ancien Président Ibrahim Boubacar Keïta, le 18 août, lors d’un coup d’État. Suite à la nomination, fin septembre, du Président de la transition, Bah N’Daou, du Vice-Président, le colonel Assimi Goïta, et du Premier Ministre, Moctar Ouane, une charte de la transition a été publiée le 1er octobre. Le 5 octobre, un gouvernement de transition a été formé et, le 3 décembre, le Président Bah N’Daou a nommé les 121 membres du Conseil national de transition, organe législatif de la transition.

Évolution de la situation politique

1. Mesures de transition

  1. Le 1er octobre, les autorités maliennes ont publié la Charte de la transition qui avait été adoptée en septembre lors de consultations avec des dirigeants politiques, des représentants de la société civile et d’autres acteurs nationaux. La Charte définit les priorités, les institutions et les modalités de la période de transition de 18 mois qui doit se conclure par la tenue d’élections présidentielles et législatives. Elle respecte la plupart des recommandations formulées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), tient compte des principales dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali signé en 2015 et accorde l’amnistie aux dirigeants du coup d’État.

  2. Le 5 octobre, le Président de la transition, Bah N’Daou, a nommé un gouvernement de transition composé de 25 membres, conformément aux recommandations issues des consultations qui ont réuni en septembre les principaux acteurs de la sphère politique et de la société civile. Le nouveau Gouvernement comprend quatre femmes, soit une proportion de 16 %, contre 23,6 % précédemment.
    Il comprend aussi de hauts responsables militaires, parmi lesquels trois dirigeants du coup d’État, ainsi que des membres du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), la coalition de partis d’opposition et de groupes de la société civile qui a dirigé les manifestations ayant précédé la chute de l’ancien Président Keïta. Il comprend en outre des représentants de la société civile et, pour la première fois, quatre représentants des mouvements signataires de l’Accord.

  3. Les réactions à l’annonce du nouveau Gouvernement ont été mitigées. Les dirigeants du M5-RFP se sont élevés contre l’entrée au Gouvernement de transition de certains membres de la coalition et ont dénoncé un manque d’inclusivité. Des organisations de femmes ont quant à elles déploré la baisse de représentation des femmes. Le 8 octobre, un groupe de femmes influentes a remis au Premier Ministre une déclaration soulignant leur préoccupation face à ce qu’elles percevaient comme leur marginalisation dans le cadre du processus de transition politique et de la prise de décision en général. Dans une déclaration publiée le 9 octobre, la Coordination des mouvements de l’Azawad a salué la formation du Gouvernement de transition et s’est déclarée satisfaite des consultations qui l’ont précédée.

  4. Le 9 novembre, le Président Bah N’Daou a publié deux décrets portant création du Conseil national de transition. L’un deux définissait les critères et les modalités de nomination des membres du parlement de transition et l’autre attribuait ses 121 sièges à différents groupes. Le groupe ayant obtenu le plus grand nombre de sièges (22 au total) est celui constitué des représentants des forces de défense et de sécurité ; 11 sièges ont été attribués à des partis et organisations politiques, 4 à des groupes de jeunes et 5 à des mouvements armés signataires. De nombreux autres groupes et organisations, notamment des organisations de défense des droits humains et des syndicats, étaient également représentés.

  5. Les décrets ont été rejetés par des dirigeants des partis politiques de la précédente majorité présidentielle et de l’opposition ainsi que par des syndicats indépendants. Le 12 novembre, plusieurs partis et coalitions de partis ont publié une déclaration commune dans laquelle ils ont exprimé leur préoccupation concernant le manque de consultations avec les partis politiques sur la question des quotas, le manque de transparence concernant les critères de sélection et la part de représentation accordée aux militaires par rapport aux partis politiques. Afin de régler les problèmes liés à la création du Conseil national de transition, les dirigeants de la transition ont tenu une série de réunions avec des dirigeants politiques.

  6. Le 3 décembre, le Président N’Daou a publié un décret portant nomination des 121 membres du Conseil national de transition. Le 5 décembre, lors de leur première session à Bamako, les membres du Conseil ont élu Malick Diaw, l’un des dirigeants du coup d’État et l’unique candidat à ce poste, à la présidence de l’organe. M. Diaw a obtenu 111 voix sur les 118 votes exprimés. Plusieurs parties prenantes, notamment des partis politiques, des mouvements signataires et des organisations de la société civile, ont critiqué le processus qui a conduit à la nomination des membres du CNT, en faisant remarquer que celui-ci n’avait pas tenu compte de l’issue des consultations qui avaient été préalablement menées.

  7. Mon Représentant spécial pour le Mali et d’autres représentants de la communauté internationale au Mali ont continué d’appeler de leurs vœux une transition pacifique et inclusive pour que les réformes institutionnelles et électorales puissent être menées à bien avant les élections à venir.

  8. Par ailleurs, le 8 octobre, Soumaïla Cissé, chef de l’opposition, Sophie Pétronin, ressortissante française, et Nicola Chiacchio et Pier Luigi Maccali, ressortissants italiens, qui avaient été gardés en otage par des groupes extrémistes violents, ont été libérés à l’issue de négociations entre les autorités maliennes et leurs ravisseurs. En échange, ces derniers ont obtenu la libération de plus de 200 membres présumés de groupes extrémistes violents détenus par les autorités maliennes, dont certains faisaient l’objet d’une enquête car ils étaient soupçonnés d’avoir participé à des attaques contre des civils et contre les forces de sécurité nationales et internationales.

2. Réponse internationale

  1. Le 6 octobre, suite à la nomination de civils aux postes de président et de premier ministre et à la formation du Gouvernement de transition, le Président de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement des États membres de la CEDEAO,
    Nana Akufo-Addo, Président du Ghana, a annoncé la levée de toutes les sanctions imposées au Mali. En effet, au lendemain du coup d’État, la CEDEAO avait suspendu le Mali de toutes ses instances et imposé des sanctions contre le pays, notamment la fermeture de toutes les frontières terrestres et aériennes avec les États membres de la CEDEAO et la suspension de toutes les transactions financières et de la plupart des flux commerciaux entre ses États membres et le Mali. Le 7 octobre, comme le leur avait demandé la CEDEAO, les autorités maliennes ont libéré les 11 responsables politiques et militaires détenus depuis le 18 août.

  2. Le 9 octobre, emboîtant le pas à la CEDEAO, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a levé la suspension du Mali de l’Union africaine. Le 11 octobre, le Président Akufo-Addo s’est rendu à Bamako, en sa qualité de Président de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement des États membres de la CEDEAO, pour évaluer les progrès accomplis sur la voie de la transition. Le 27 novembre, le Comité de suivi de la transition de la CEDEAO s’est réuni à Bamako, en présence de partenaires internationaux, dont mon Représentant spécial, pour évaluer la situation politique et réfléchir à la coordination du soutien à la transition.

  3. Le 21 octobre, l’ancien Président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, qui s’était rendu à Abou Dhabi pour recevoir des soins médicaux, est rentré au Mali, comme convenu précédemment par les autorités maliennes et la CEDEAO.

  4. Du 18 au 20 novembre, le Président de la Commission de l’Union africaine,
    Moussa Faki Mahamat, s’est rendu au Mali où il a rencontré le Président de la transition, le Vice-Président, le Premier Ministre, le Ministre des affaires étrangères et d’autres acteurs nationaux et internationaux, dont mon Représentant spécial.

M. Faki a souligné que les parties prenantes maliennes devaient impérativement tenir des consultations plus poussées, dans un souci de consensus et d’intérêt national, en vue d’achever la création des organes de transition et d’assurer une transition politique sans heurt.

  1. Le 30 novembre, le comité de suivi et de soutien à la transition créé par l’Union africaine a tenu sa première réunion à Bamako. Le Premier Ministre a présenté le programme d’action de la transition, qui comprend huit axes prioritaires, notamment les réformes, l’organisation d’élections générales et la mise en œuvre de l’Accord.
    Les représentants de l’Union africaine et de la CEDEAO et mon Représentant spécial ont souligné la volonté de la communauté internationale de mener une action concertée et résolue pour assurer la stabilité au Mali.

3. Préparatifs en vue de la tenue d’élection

  1. Les autorités maliennes ont pris une première série de mesures pour préparer la tenue d’élections présidentielles et législatives à la fin de la période de transition, malgré des obstacles de taille. Le 27 octobre, le Président Bah N’Daou a rencontré les membres de la Cour constitutionnelle pour examiner la question de la tenue des élections.

  2. Le 29 octobre, des représentants de la société civile faisant partie de la Coalition pour l’observation citoyenne des élections au Mali ont déclaré qu’à la suite d’une série de grèves déclenchées par des syndicats de la fonction publique, la révision des listes électorales avait été suspendue, ce qui retarderait le processus, qui devait initialement se dérouler du 1er octobre au 31 décembre 2020. Le 9 novembre, quatre de ces syndicats, dont celui du Ministère de l’administration territoriale, chargé de l’organisation des élections, ont lancé une grève illimitée après que les négociations avec le Gouvernement de transition ont échoué.

  3. Le 22 novembre, le Ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation a annoncé la création d’une cellule de soutien au processus électoral afin de renforcer l’inclusivité et d’améliorer la transparence des opérations électorales. Le Gouvernement de transition n’a pas encore publié le calendrier des élections législatives et présidentielles.

4. Soutien à la transition

  1. Mon Représentant spécial a continué d’échanger avec le Président N’Daou, le Premier Ministre et les membres du Gouvernement de transition pour étudier différentes pistes de coopération et de soutien. La MINUSMA a poursuivi ses bons offices et ses activités de promotion des mesures clés qui devraient être mises e n œuvre avant les élections présidentielles et législatives, notamment la publication d’un calendrier électoral et la tenue d’un référendum constitutionnel.

  2. Afin de renforcer l’adhésion du pays, la Mission a également mené une série de consultations avec des organisations de la société civile, notamment des groupes de jeunes, de femmes et de travailleurs, ainsi qu’avec des syndicats, des représentants religieux et des chefs traditionnels, ce en vue de favoriser leur participation au processus électoral.