Aller au contenu principal

Étude régionale de recherche : Impacts contrastés de la crise sécuritaire sur les situations foncières dans la région du lac Tchad Rapport d’étude - Projet RESILAC - Version finale, Juillet 2020

Pays
Cameroun
+ 3
Sources
Groupe URD
Date de publication
Origine
Voir l'original

Résumé exécutif

Le projet Resilac « Redressement économique et social inclusif du lac Tchad » vise à apporter une réponse mêlant urgence, réhabilitation et relèvement dans la région du lac Tchad (frontalière du Cameroun, du Niger, du Nigeria et du Tchad) – zone affectée par une crise économique et sociale, des chocs climatiques récurrents et une crise sécuritaire d’ordre régional. L’objectif de cette étude régionale de recherche « Impacts contrastés de la crise sécuritaire sur les situations foncières dans la région du lac Tchad » est d’identifier et de décrire précisément les dynamiques foncières dans la région du lac Tchad, afin de préciser les cadres, les situations foncières locales et les impacts de la crise sécuritaire en fonction de la proximité à l’épicentre de la crise. Neuf territoires ont été choisis selon ce critère parmi les zones d’intervention de Resilac :

  • des territoires directement impactés par la crise en raison de la présence de groupes armés insurgés sur le territoire et de populations réfugiées et déplacées : périphérie de Maiduguri, Local Government Area (LGA) de Jere au Nigeria ; communes de Chétimari et N’Guigmi au Niger ;
  • des territoires indirectement impactés par la crise en raison de la désorganisation des activités et l’arrivée massive de populations déplacées et réfugiées : le canton de Nguelea et la commune de Bol au Tchad, et la commune de Koza au Cameroun ;
  • des territoires non impactés : les communes de Mindif et Dargala au Cameroun.

Dans ces territoires, la crise sécuritaire intervient en 2009 à Maiduguri et sa périphérie, 2013 dans la commune de Koza, 2014 dans le reste de l’Extrême Nord au Cameroun, et 2015 dans la région de Diffa au Niger et la province du Lac au Tchad.

L’étude s’appuie, d’une part, sur l’analyse des systèmes fonciers aux échelles nationale et locale dans les territoires retenus pour l’étude, et, d’autre part, sur des investigations de terrain. Une enquête a été menée en février 2020 auprès de 436 personnes réparties sur les 4 pays et complétée au Nigeria en mai 2020 par 60 enquêtes. De même, des entretiens ont été effectués auprès des principaux acteurs de la gestion foncière dans les 9 territoires de l’étude.

L’analyse des cadres juridiques par pays et des pratiques dans les territoires de l’étude montre des disparités importantes dans les politiques et lois nationales, mais la même prépondérance du rôle des autorités coutumières dans la gestion foncière. Elles assurent généralement, en amont, la répartition du parcellaire agricole et la régulation de l’accès aux ressources pastorales et halieutiques, et en aval la gestion des conflits sur ces ressources. Le besoin de se sécuriser dans un contexte de diversification des modes d’accès à la terre (métayage, location, vente) conduit à une formalisation des transactions foncières initiée soit par des projets de développement (c’est le cas dans les communes camerounaises), soit par la réglementation nationale (cas des Commissions foncières communales au Niger), soit de façon spontanée par les acteurs.

Ces documents sont souvent signés par les autorités coutumières, parfois administratives, et sont établis pour protéger les ayants droit des cas de retrait de parcelle. Au Tchad, la situation dans les archipels est particulière parce qu’une insécurité très forte y est observée depuis le début des années 2000. Cette insécurité s’explique par une distribution inégalitaire des parcelles dans les polders et par le traitement croissant de conflits fonciers devant les tribunaux, qui recourent aux règles du droit positif et sont souvent instrumentalisés par les élites urbaines. Le processus de décentralisation, plus ou moins avancé selon les pays, n’a pas modifié profondément ces pratiques en 2020.

Les résultats de l’enquête confirment que les conséquences de la crise sur le foncier dépendent de la proximité de l’épicentre de la crise : la diversification des activités et la proportion des activités liées aux ressources foncières (agriculture, élevage, pêche et bois) sont nettement plus faibles là où l’insécurité est plus forte.