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Analyse rapide de genre - Burkina Faso, Centre Nord (Juin 2020)

Pays
Burkina Faso
Sources
MDM
Date de publication

Résumé exécutif

Cette analyse rapide de genre a été conduite en mai 2020 par les équipes de Médecins du Monde afin de disposer d’informations sur les rôles, représentations et rapports de genre dans le contexte de la crise sécuritaire au Nord Burkina. Une attention particulière a été portée aux besoins, capacités et intérêts sexospécifiques en lien avec les enjeux d’accès et de droit à la santé – notamment la santé sexuelle et reproductive (SSR) – et de lutte contre les violences liées au genre (VLG).

Cette analyse a permis de collecter des données primaires et secondaires, en deux étapes progressives:

  • Une première phase de revue de littérature

  • Une seconde phase de consultations sur le terrain avec les personnes concernées (6 associations nationales impliquées dans la promotion des droits en santé sexuelle et reproductive (DSSR) et la lutte contre les VLG, 4 focus groupes non mixtes (au total 12 femmes adultes, 12 hommes adultes, 12 filles adolescentes et 12 garçons adolescents) dans la communauté de Kongoussi (Centre Nord).

L’ACG a mis en lumière d’importantes disparités en matière d’accès et contrôle des ressources dans la région du Centre Nord, tant dans le domaine de l’éducation et de l’alphabétisation que dans celui de l’emploi et des revenus. La participation des femmes aux prises de décision dans la sphère publique et privée est limitée. Dans les zones affectées par les mouvements de population, la prise de décision reste essentiellement masculine tant dans les camps de déplacé.e.s que dans les familles d’accueil.

Les focus groupes ont mis en avant une distribution très inégale des tâches selon le genre, se reflétant dans l’utilisation du temps, aussi bien avant que depuis la crise. Cette division inégale du travail domestique s’observe autant chez les adultes que chez les adolescent.e.s, les femmes et les filles assurant des journées quasi continues de 4h du matin à 23h, sans temps de loisir ou de repos. Depuis la crise, on observe une augmentation de la charge de travail domestique des femmes et des filles.

Cette répartition inégale des ressources et du travail domestique contribuent à la persistance d’inégalités dans le domaine du respect du droit et de l’accès à la santé. Dans ce domaine, de nombreuses normes, croyances et représentations participent à limiter l’accès des femmes et des filles à la santé, notamment la SSR et la PF : interdit social d’une sexualité hors mariage pour les jeunes femmes, normes procréatives enjoignant les couples à avoir un enfant juste après le mariage pour prouver la fertilité de la femme, absence d’éducation sexuelle au sein des familles, soupçons d’infidélité pesant sur les femmes ayant recours à une méthode contraceptive, tabous autour des menstruations…

En termes d’accès à la PF, la désapprobation du conjoint figure parmi les barrières les plus souvent rencontrées. Les normes sociales limitent aussi l’implication des hommes dans la SSR et la santé des enfants : bien qu’ils soient les principaux décideurs sur ces questions, la santé a tendance à être considérée comme “une affaire des femmes”, et ce sont presque exclusivement les femmes qui gèrent les questions liées à la SSR dans le couple et la santé des enfants. On observe aussi un manque de communication important entre les parents et les adolescent.e.s, surtout les pères. Néanmoins, ce sont les hommes qui prennent les décisions en lien avec la santé de toute la famille, y compris celle des enfants, et des femmes.

Ainsi, en termes d’accès aux soins, une majorité de femmes se trouve exclue du processus de décision relatif à leur propre santé (54 %). Les décisions sont prises soit par le mari, soit par d’autres personnes, sans prendre en compte la voix de la femme concernée. Pour les filles et les garçons, ce sont les parents qui doivent être consultés avant n’importe quelle consultation.

Ces barrières socioculturelles viennent s’accumuler à d’autres, financières ou géographiques, lesquelles sont également disproportionnées lorsqu’il s’agit des femmes et des filles en raison des inégalités de genre sur le plan financier et en termes de contrôle des ressources. Concernant les hommes et les garçons, la principale barrière à l’accès aux soins continue d’être le coût des services. Pour les jeunes, filles et garçons, la stigmatisation des jeunes dans les services de santé est aussi un frein important.

Les rôles, représentations et rapports de genre dans la zone d’intervention contribuent également à une forte prévalence des VLG. On observe ainsi un fort niveau d’acceptation sociale de certaines formes de VBG, parmi lesquelles le mariage précoce et les violences conjugales, y compris chez les femmes (44% estiment qu’il est justifié de se faire violenter dans certaines situations). Le viol conjugal est répandu et très peu dénoncé (1 personne sur 5 pense qu’un homme peut forcer sa femme à avoir des rapports sexuels, « sinon, pourquoi elle est venue ? »). Ainsi, en dépit d’un cadre législatif relativement protecteur, les discriminations à l’encontre des femmes et des filles persistent, et la prévalence des VLG – sous toutes leurs formes – se maintient. Le Centre Nord présente un indicateur SIGI « atteintes à l’intégrité physique et morale des femmes » de 0.318, un taux encore élevé. Les déplacements de population liés à la crise renforcent le patriarcat et les violences domestiques.

En cas de VLG, les attitudes de recours à l’aide et aux soins sont fortement impactées par l’acceptation sociale de la violence et leur normalisation. Ces attitudes et comportements en termes de dénonciation et demande d’aide limitent fortement l’accès des survivant.e.s de VLG à une prise en charge adaptée à leurs besoins, le respect de leurs droits et l’accès à la santé.

Il ressort ainsi de l’analyse rapide de genre que le genre et l’âge, cumulés au facteur économique, sont des facteurs impactant très fortement l’accès à la santé et aux droits dans la région. De nombreuses normes, pratiques et croyances profondément ancrées ont des effets néfastes perpétuant les inégalités de genre dans le domaine de la santé. D’autres barrières, sur le plan du cadre législatif, ont aussi été identifiées.