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Haut-Uélé : « Notre population a beaucoup bénéficié de l’aide humanitaire. Mais, pour le moment, presque tous les Organismes se sont retirés », regrette Mgr Domba – Evêque de Dungu-Doruma

Pays
RD Congo
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Sources
Caritas
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Origine
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Dungu, le 23 octobre 2020 (caritasdev.cd) : « Beaucoup d’acteurs humanitaires sont intervenus dans notre région à cause de la LRA (rébellion ougandaise de l’Armée de Résistance du Seigneur) qui sévissait dans le milieu. Alors, nous avons bénéficié de beaucoup d’aide humanitaire. Ces Organismes ont fait ce qu’ils ont pu pour soulager la misère de la population pendant un temps. Après un moment, ils se sont retirés. Pour le moment, presque tous se sont retirés. Il ne reste que « Invisible Children ». Il y avait encore le HCR qui s’occupait des réfugiés sud-soudanais. Mais, le HCR aussi venait de partir du côté de Biringi, Mahagi-Nioka où il y a un peu plus de réfugiés sud-soudanais. Et pourtant, la situation humanitaire demeure encore préoccupante, a relevé amèrement Mgr Richard Domba, Evêque du Diocèse de Dungu-Doruma, interviewé par caritasdev.cd le 16 octobre 2020, au centre d’accueil Caritas à Kinshasa-Gombe. C’était en marge de la tenue de la 57ème session ordinaire de l’Assemblée Plénière des Evêques de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO.

Erigé le 26 septembre 1967, le Diocèse de Dungu-Doruma est situé dans la province du Haut-Uélé, au Nord-Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Il comprend une partie des Territoires de Dungu et Poko Sa superficie est de 44.000 kms-carré, avec de vastes paroisses. Mais, le territoire n’est pas très habité. Bien qu’il n’y ait pas de récent recensement, l’on estime sa population à environ 550.000 habitants, si bien que le diocèse n’est pas vraiment très habité. Il y a beaucoup d’espaces vides.

Or, la situation socioéconomique ne s’améliore pas

Le départ de ces acteurs humanitaires intervient alors que « la situation économique ne s’améliore pas. Les besoins de la population sont toujours immenses », relève Mgr Domba. « À travers la Caritas nationale, il faudrait voir dans quelle mesure faire un plaidoyer pour notre milieu aussi là-bas. C’est ça en gros la situation dans le Diocèse de Dungu-Doruma », a-t-il souligné.

Passant en revue les secteurs clés de la vie, le prélat a reconnu que les Centres de Santé et autres Formations Sanitaires (FOSA) sont certes opérationnels dans son diocèse. Il y en a qui appartiennent à l’État congolais, d’autres au Bureau Diocésain des Œuvres Médicales (BDOM). « Mais, le grand problème, c’est celui de leur approvisionnement en médicaments. Dans les milieux reculés, comme à Duru (environ 90 kms de Dungu), les gens y viennent, mais, veulent la gratuité ; car, la plupart n’ont pas de quoi payer. Ils préfèrent aller d’abord chez les guérisseurs. Quand ça va très mal là-bas, alors ils reviennent vers les formations sanitaires », a noté Mgr Richard Domba.

Les pathologies les plus fréquentes dans ces milieux sont le paludisme, les maladies d’origine hydrique notamment, à cause d’accès difficile à l’eau potable.

« Sans routes, ni eau et électricité, comment peut-on se développer » ?

Par ailleurs, l’état des routes laisse à désirer. « Les routes sont dans un état déplorable, sauf le tronçon Dungu-Isiro (long de 210 kms). En juin 2020, j’ai fait cette route en six heures. Aujourd’hui, il faudrait le double. Le trajet Faradje-Dungu (145 kms) que j’avais autrefois parcouru en deux heures et en voiture en 2013, nécessite aujourd’hui toute une journée, suite au manque d’entretien », a déploré l’Evêque de Dungu-Doruma.

Esquissant un rire amer, le prélat a ajouté que « ces routes sont encore carrossables, d’autres sont tout simplement dans un état abominable ne permettant plus de faire passer les véhicules ». C’est le cas du tronçon Dungu-Duru. En septembre dernier, il a dû abandonner sa jeep de marque Land-Cruiser à mi-chemin (à 45 Kms) pour joindre Duru sur une moto. « Il y avait des endroits où on avait de l’eau boueuse jusqu’à la poitrine. Or, j’étais habillé en soutane. Le devant du véhicule était entièrement dans l’eau ; tout comme les souliers et le bout de la soutane », a poursuivi le prélat dans un ton tragicomique. Dans ce contexte, pour atteindre à Ngilima, Bangadi ou Doruma, il ne faut pas aller par véhicule, a-t-il averti.

« Tout cela n’encourage pas la production agricole. Car, les paysans sont obligés vendre leurs produits à vil prix », a ajouté le prélat. Du riz, du manioc, et bien d’autres denrées alimentaires sont cultivées pour des besoins de subsistance.

Que le Gouvernement et les Humanitaires assument leurs responsabilités

À ce tableau sombre, il faut ajouter le manque de l’énergie électrique. Le barrage hydroélectrique au centre de Dungu n’est plus fonctionnel depuis des lustres. C’est une œuvre du Diocèse de Dungu-Doruma. Les efforts locaux fournis jusque-là pour le remettre en marche n’ont pas abouti. Faute de mieux, la population recourt aux panneaux solaires pour éclairer leurs maisons ; évidemment ceux qui en ont les moyens.

La situation précaire de la population pousse Mgr Richard Domba à plaider pour le retour des Organismes humanitaires et de développement, « car, la population se sent abandonnée », a-t-il dit.

L’Evêque de Dungu-Doruma demande également au Gouvernement congolais de prendre à cœur la réhabilitation de la Centrale hydroélectrique de Kibali I. « Qu’on trouve une autre solution pour Dungu qui devient une grande cité. Ça devrait même devenir une ville avec trois communes. Or, la Régie de distribution des Eaux (REGIDESO) et la Société Nationale de l’Électricité (SNEL) n’y sont même pas présentes. Sans eau, ni électricité, comment peut-on se développer », s’est-il interrogé en guise de conclusion.

Guy-Marin Kamandji