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Facteurs de risque perçus comme étant à l’origine de l’implication des jeunes dans la violence dans l’est de la RDC : Analyse de la situation et options de programmation - Rapport de Recherche Mené par des Jeunes, Avril 2020

Countries
DR Congo
Sources
SFCG
Publication date
Origin
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RÉSUMÉ EXÉCUTIF

Search for Common Ground (Search) a mené un exercice de recherche dirigé par des jeunes entre juin et août 2019 afin de mieux comprendre la dynamique de la participation des jeunes à la violence au Nord et au Sud Kivu et de formuler des recommandations pour les programmes des gouvernements et bailleurs en matière de participation des jeunes dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Il s’appuie sur une étude menée par Trauma Treatment International qui a impliqué des ex-combattants, des adultes et des jeunes des communautés de la même région. Cette étude a utilisé une approche de recherche dirigée par les jeunes1 et toutes les données collectées et présentées dans ce rapport sont basées sur les perceptions des personnes interrogées, y compris les jeunes et les adultes membres de la communauté.

La recherche se concentre sur trois principales lacunes dans la littérature actuelle, à savoir (i) les facteurs d’incitation perçus pour l’engagement des jeunes dans la violence ; (ii) les facteurs de protection qui préviennent l’engagement des jeunes dans la violence ; et (iii) l’importance de l’engagement des jeunes dans la violence : processus et effets perçus.

Des recherches ont été menées dans le territoire de Rutshuru au Nord-Kivu et dans le district de Sange au Sud-Kivu en juillet et août 2019. Au total, 848 personnes ont été interrogées, dont 404 femmes et 444 hommes. Sous la supervision d’un animateur, les jeunes chercheurs ont effectué l’analyse préliminaire des données, que l’équipe de recherche a ensuite triangulée.

Tout d’abord, il est important de souligner que la cible principale de l’étude n’était pas, et n’a jamais été destinée à être, les jeunes classés comme «violents» (c’est-à-dire les anciens et/ou les ex-combattants).

L’étude s’est plutôt concentrée sur les populations de jeunes de Rutshuru et de Sange, ainsi que sur leurs adultes. Par conséquent, la majorité des réponses recueillies rapportent les perceptions des habitants des communautés ciblées concernant ce qui pousse certains jeunes à s’engager dans la violence, et ne sont pas basées sur des événements factuels ou sur les réponses des jeunes violents eux-mêmes. Néanmoins, les perceptions des membres des communautés vivant dans les zones ciblées par l’étude ont été cruciales pour comprendre les stéréotypes et les préjugés envers les jeunes de Rutshuru et de Sange, ainsi que les perceptions de leur niveau et de leur type d’engagement dans la violence.

La recherche s’est articulée autour de trois axes principaux : les facteurs d’incitation perçus pour l’engagement des jeunes dans la violence ; les facteurs de protection qui empêchent les jeunes de s’engager dans la violence ; et l’impact et les modèles d’engagement des jeunes dans la violence. En outre, avant de discuter de ces questions en détail, les participants aux discussions de groupe et aux entretiens avec des informateurs clés ont décrit les caractéristiques de la violence dans leurs communautés.

Le Nord et le Sud-Kivu sont confrontés à des niveaux élevés d’insécurité, d’instabilité et de conflits intercommunautaires qui exposent les jeunes au harcèlement des groupes armés, des gangs criminels et des membres des forces de sécurité de l’État. Ces harcèlements comprennent notamment les enlèvements, les vols à main armée, les petits larcins, les barrages routiers illégaux, les détentions arbitraires et les vols de bétail. Ces vols de bétails ont été identifiés comme une source majeure de violence au Sud-Kivu, tandis qu’au Nord-Kivu, c’est la violence liée aux conflits fonciers qui a été désignée comme source majeure de violence. Dans les deux zones de recherche, la violence sexuelle, principalement à l’encontre des femmes et des filles, a été identifiée comme la forme de violence la plus répandue. Les recherches ont également montré que différents événements cycliques, tels que la saison sèche de mai à septembre, les périodes de récolte et d’autres tendances économiques, peuvent entraîner des pics de violence tout au long de l’année.

La recherche a révélé qu’un large éventail de facteurs politiques, socio-économiques, socio-psychologiques et individuels contribuent à la participation des jeunes à la violence. Les réponses fournies par les répondants suggèrent de nombreux facteurs différents influencent la décision des jeunes de s’engager ou non dans la violence. Les facteurs politiques comprennent l’exposition à l’insécurité, l’incidence des conflits intercommunautaires, l’impunité et la corruption. Les personnes interrogées ont identifié des facteurs d’incitation socio-économiques, tels que l’accès aux opportunités économiques et à l’éducation. Ces facteurs sont particulièrement importants lorsqu’ils sont corrélés aux inégalités horizontales existantes liées à l’ethnicité ou à d’autres marqueurs identitaires. Les facteurs socio-psychologiques sont largement liés aux perceptions que les adultes ont de la jeunesse, ce qui peut exacerber l’aliénation sociopolitique. De nombreux adultes considèrent en effet les jeunes comme des consommateurs de drogues et d’alcool. Cependant, l’impact traumatique causé par le fait de vivre dans un état d’insécurité chronique a également été mentionné. En général, les réponses des jeunes tendaient à se concentrer sur les facteurs systémiques de leur environnement qui empêchaient la satisfaction des besoins fondamentaux, tels que l’appartenance, le sens, l’estime et la capacité d’action. D’autre part, les adultes avaient tendance à attribuer la décision de participer à la violence à des échecs individuels et à des déficiences comportementales.

Les participants à l’étude ont nommé trois grands types de facteurs de protection qui diminuent l’engagement des jeunes dans la violence : 1) les actions/initiatives qui visent à accroître la participation des jeunes à la vie de la communauté et à la prise de décision ; 2) une base solide d’éducation formelle et informelle ; et 3) l’accès à des moyens durables de subsistance. Tout comme la réalité plurielle des facteurs d’incitation, les participants ont noté qu’aucun facteur de protection ne peut à lui seul garantir le non-engagement des jeunes dans la violence. Pourtant, un nombre considérable de participants a noté que les mécanismes existants ne sont pas efficaces pour dissuader durablement les jeunes de s’engager dans la violence. Ils ont noté que dans de nombreux cas, les initiatives et les programmes destinés à mobiliser les jeunes et à favoriser leur participation ne parviennent pas à promouvoir de manière adéquate leur appropriation et leur rôle dès le départ.

Cette recherche a démontré qu’une proportion relativement faible de jeunes qui se livrent à la violence peut avoir de graves conséquences sur la vie de la communauté ainsi que sur les relations entre les jeunes et les autres membres de la communauté. Selon les entretiens menés dans la communauté, les attitudes et les perceptions des adultes à l’égard des jeunes sont souvent négatives. Si cela est souvent dû à la violence, cela peut également motiver d’autres jeunes à s’engager dans la violence en réaction à cette attitude de rejet. Dans l’ensemble, la violence héritée de l’Est de la RDC, ainsi que les expériences traumatisantes vécues par les jeunes et les communautés en général, ont mis à rude épreuve les relations entre les jeunes et la communauté au sens large, détruisant une grande partie du tissu social.

En ce qui concerne la manière dont cette violence affecte les jeunes eux-mêmes, des différences ont été détectées entre les jeunes femmes et les jeunes hommes. Les jeunes hommes sont souvent perçus comme des victimes de violence physique, de manipulation ou de harcèlement par les autorités, tandis que les jeunes femmes sont perçues comme des victimes de la violence basée sur le genre (GBV), ce qui contribue à la perception que les filles sont porteuses d’infections sexuellement transmissibles (IST). Ceci s’ajoute au fait que les filles sont victimes de mariages précoces et forcés, en plus de la discrimination socio-économique, en particulier au Sud-Kivu.

De nombreux répondants ont discuté de leur perception de l’impact qu’a la violence sur les individus, les familles et les communautés. Au Nord et au Sud-Kivu, les principales conséquences sont l’emprisonnement, les blessures, les décès, les IST et autres maladies, ainsi que la pauvreté persistante et la perte de respect au sein de la société. Alors qu’au Nord Kivu, l’impact de la violence le plus souvent mentionné est le déplacement ou l’exode rural, au Sud Kivu, ce sont l’impact des traumatismes et la détérioration correspondante des conditions de santé mentale qui sont les plus fréquemment cités.

Search a travaillé avec des chercheurs spécialisés dans le domaine de la jeunesse afin d’élaborer un ensemble de recommandations basées sur ces résultats, dans le but de mieux orienter les politiques et les initiatives visant à construire la paix et à responsabiliser les jeunes. Les recommandations se classent en trois catégories : (1) principaux acteurs, (2) interventions programmatiques clés, et (3) approches clés.