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RD Congo : en finir avec la violence cyclique en Ituri

Pays
RD Congo
Sources
ICG
Date de publication
Origine
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Synthèse

Depuis décembre 2017, des violences dans la province de l’Ituri, dans le Nord-Est de la République démocratique du Congo (RDC), ont fait près de 1 000 morts et un demimillion de déplacés. Initialement localisées dans le territoire de Djugu, les attaques, de faible portée, ont d’abord opposé les deux principales communautés de l’Ituri, les Hema et les Lendu. Par la suite, les milices lendu ont ciblé les Hema, puis l’armée nationale, avant de s’en prendre aux territoires voisins. Des acteurs externes, y compris de la province du Nord-Kivu et des pays avoisinants, sont également impliqués dans ce conflit. Afin d’enrayer une escalade dangereuse, le gouvernement congolais devrait privilégier une stratégie visant à négocier la reddition des milices lendu tout en soutenant un dialogue plus vaste entre les Hema, les Lendu, et d’autres communautés de l’Ituri. Le président Félix Tshisekedi devrait simultanément travailler avec les pays voisins pour qu’ils cessent tout appui aux assaillants de la région.
La crise actuelle se distingue du conflit de 1999-2003 en Ituri, au cours duquel les communautés hema et lendu avaient participé à des massacres de grande ampleur, par milices interposées. Contrairement au conflit précédent, bien que les assaillants soient recrutés essentiellement dans la communauté lendu et réunis, pour la plupart, au sein d’une association de milices, la Coopérative pour le développement du Congo (Codeco), les notables lendu n’assument pas la paternité de ces milices. Cependant, la réponse militaire du gouvernement a montré ses limites et le scénario d’une escalade intercommunautaire plus généralisée ne peut être écarté. Les milices lendu continuent de se renforcer. Les Hema n’ont, jusqu’à présent, pas organisé de représailles systématiques, mais n’excluent pas de mobiliser leurs jeunes si les attaques se poursuivent. L’organisation de jeunes hema en groupes d’autodéfense qui érigent des barrages sur les routes de l’Ituri devrait alerter sur le risque d’une plus forte communautarisation du conflit.
Le conflit en Ituri pourrait avoir de multiples répercussions. Les violences qui ont frappé la province ont déjà attiré certains acteurs violents du Nord-Kivu voisin, épicentre de l’insécurité dans l’Est du Congo. Les membres d’anciens mouvements rebelles, y compris quelques cohortes du M23, basés en grande partie en Ouganda, auraient également cherché à profiter des tensions ethniques en Ituri et au NordKivu pour se mêler au conflit. Cette dynamique exacerbe en outre les tensions entre l’Ouganda et le Rwanda, qui ont tous deux joué un rôle important dans la guerre de l’Ituri de 1999-2003 et s’accusent aujourd’hui mutuellement de soutenir les groupes armés dans l’Est du Congo. La flambée de la pandémie de Covid-19 en mars 2020 dans le territoire d’Irumu, à la limite du Nord-Kivu, risque de s’étendre dans toute la province – ce qui pourrait aggraver la fragilité des autorités qui font désormais face à la double menace de la violence et de la maladie.