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Le conseil sur l’obligation redditionnelle vis-à-vis des femmes et des filles dans le contexte humanitaire

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Conseil des droits de l’homme

13 juillet 2020

Le Conseil des droits de l’homme a tenu, ce matin, la première partie de sa journée annuelle de discussion sur les droits des femmes, qui était plus spécifiquement consacrée à l’obligation redditionnelle vis-à-vis des femmes et des filles dans le contexte humanitaire.

Dans des remarques liminaires, la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, Mme Nada Al-Nashif, a fait observer que les femmes et les jeunes filles, déjà victimes de discrimination généralisée, sont encore plus vulnérables et font l'objet d'une discrimination encore plus grave pendant les conflits et les catastrophes, y compris pendant la pandémie actuelle. L'expérience montre en effet que l'insécurité et les déplacements alimentent la violence sexuelle et sexiste, ainsi que d'autres crimes et violations des droits de l'homme tels que les mariages d'enfants, les mariages précoces et forcés ou le refus d'accès aux services de santé sexuelle et procréative, a-t-elle souligné.

La Haute-Commissaire adjointe a plaidé pour des processus de reddition de comptes qui se concentrent sur les voix et les besoins des femmes et des filles, avec des mesures correctives pour traiter les conséquences des violations subies. Les enquêtes menées par les organes du Conseil sont une étape essentielle pour que les responsables de violations individuelles rendent des comptes, a-t-elle indiqué.

La Princesse Marie du Danemark a fait observer que pendant la crise sanitaire mondiale que constitue l’actuelle pandémie de COVID19, étant donné que les établissements de santé dans le monde sont surchargés et les chaînes d'approvisionnement perturbées, les femmes et les filles accèdent difficilement – en particulier dans les contextes humanitaires – aux services de santé sexuelle et procréative, entre autres.

Animé par M. Tammam Aloudat, de Médecins sans frontières, le débat a également compté avec la participation des panélistes suivants, qui ont fait des exposés : Mme Tatiana Mikanire, Coordinatrice nationale du mouvement des survivantes de violences sexuelles en République démocratique du Congo ; Mme Sara Hossain, directrice du Bangladesh Legal Aid and Services Trust ; et Mme Enid Muthoni Ndiga, Vice-Présidente principale du Programme juridique mondial du Center for Reproductive Rights (Kenya). De nombreuses délégations* ont ensuite pris part au débat.

Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil doit tenir un dialogue avec le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, avant d’engager son dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar.

Les séances de la quarante-quatrième session du Conseil sont retransmises sur le site UN Web TV.

Débat annuel d’une journée sur les droits humains des femmes : la responsabilité envers les femmes dans les contextes humanitaires

Déclarations liminaires

MME ELISABETH TICHY-FISSLBERGER, Présidente du Conseil des droits de l’homme, a ouvert les débats.

MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a fait observer que les femmes et les jeunes filles, déjà victimes de discrimination généralisée, sont encore plus vulnérables et font l'objet d'une discrimination encore plus grave pendant les conflits et les catastrophes, y compris pendant la pandémie actuelle. L'expérience montre en effet que l'insécurité et les déplacements alimentent la violence sexuelle et sexiste, ainsi que d'autres crimes et violations des droits de l'homme tels que les mariages d'enfants, les mariages précoces et forcés ou le refus d'accès aux services de santé sexuelle et procréative.

Dans le même temps, la désintégration des systèmes judiciaires, la corruption, la discrimination à l'égard des personnes déplacées, la crainte de représailles et la stigmatisation souvent associée aux violations sexistes sont autant de facteurs qui empêchent les femmes et les filles de chercher protection, justice et réparation, a souligné Mme Al-Nashif. Quand les mécanismes de responsabilisation fonctionnent encore, ils se concentrent sur la punition des auteurs de crimes, sans prévenir le continuum des violations des droits humains subies par les femmes et les filles, a-t-elle fait observer.

Il faut donc des processus qui se concentrent sur les voix et les besoins des femmes et des filles, avec des mesures correctives pour traiter les conséquences des violations subies, a affirmé la Haute-Commissaire adjointe. Les enquêtes menées par les organes du Conseil sont une étape essentielle pour que les responsables de violations individuelles rendent des comptes, a-t-elle ajouté. Elle a cité les progrès réalisés récemment pour que ces enquêtes au Myanmar, au Venezuela et au Soudan du Sud accordent une plus grande attention aux violations subies par les femmes et les filles.

La PRINCESSE MARIE DU DANEMARK a souligné que pendant la crise sanitaire mondiale que constitue l’actuelle pandémie de COVID19, étant donné que les établissements de santé dans le monde sont surchargés et les chaînes d'approvisionnement perturbées, les femmes et les filles accèdent difficilement – en particulier dans les contextes humanitaires – aux services de santé sexuelle et procréative, entre autres. Le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) – dont la Princesse a rappelé être la marraine – estime que l'on peut s'attendre à 31 millions de cas supplémentaires de violence sexuelle et sexiste pendant cette période de pandémie – sans compter les effets du confinement, qui augmentent le risque de violence et d'exploitation des enfants.

Il faut donc protéger les femmes et les filles contre la violence sexuelle et sexiste, leur offrir des conseils et des espaces sûrs, leur donner accès à la contraception, leur permettre d'accoucher en toute sécurité et leur fournir d'autres services de santé sexuelle et procréative. De même, il importe que les femmes et les filles puissent vraiment contribuer aux processus de décision à tous les stades de la conception, de la mise en œuvre et du suivi des politiques, afin de soutenir des changements profonds, a indiqué la Princesse.

En tant qu’animateur du débat, M. TAMMAM ALOUDAT, Directeur exécutif adjoint de la Campagne pour l’accès aux médicaments essentiels (CAME) à Médecins sans frontières, a relevé que lors des situations humanitaires, les interventions immédiates ont tendance à être principalement médicales, pour sauver des vies. Cependant, ces interventions sont insuffisantes dans les situations où l'effondrement des normes sociales, économiques et politiques, associé à la faiblesse des moyens de subsistance, des soins de santé et de l'inclusion sociale, contribue à la perte d’autonomie de certains groupes au sein des communautés touchées – des situations dans lesquelles les femmes accèdent difficilement aux services de santé.

La responsabilité envers les « bénéficiaires » a été beaucoup débattue mais rarement pratiquée dans l'action humanitaire, a poursuivi M. Aloudat, avant d’ajouter que son application n'est pas simple ni même strictement compatible avec la responsabilité envers les donateurs et les bienfaiteurs qui est imposée et acceptée par une grande partie du secteur humanitaire.

M. Aloudat a ensuite prié les panélistes de présenter les difficultés rencontrées par les femmes et les filles dans leur quête de justice et de proposer des solutions pour y remédier.

Exposés des panélistes

Evoquant les violences sexuelles en République démocratique du Congo, MME TATIANA MIKANIRE, Coordinatrice nationale du mouvement des survivantes de violences sexuelles en République démocratique du Congo, a déclaré que nous sommes tous humains, mais que nous doutons parfois de notre nature d’êtres humains lorsque nous voyons et subissons toutes ces humiliations et ce manque de respect à notre égard. Elle a ajouté qu’il était absurde et révoltant que certaines personnes persistent à croire que le viol n’existe pas ou que ce n’est pas si grave – alors que l’on sait qu’avoir subi des violences sexuelles diminue l’espérance de vie. Les viols et les violences sexuelles sont la manière la plus humiliante de tuer une personne tout en la laissant respirer, a-t-elle déclaré. Être violée est synonyme de plusieurs maux : c’est être mort dans sa propre chair et dans son âme, avec un cœur brisé de manière irréparable, a-t-elle indiqué. Seule une bonne prise en charge holistique et des réparations pourraient adoucir cette douleur, a-t-elle poursuivi. Les réparations sont un signe de reconnaissance, de soutien : c’est la manière la plus humaine de compatir, de considérer l’avenir de milliers de personnes et de le changer, a-t-elle insisté.

Le viol engendre des conséquences graves, durables et transgénérationnelles sur la victime survivante de cette barbarie humaine. Comment retourner dans un village où le paysage entier vous rappelle le désastre, la grande douleur que vous avez vécue, a interrogé Mme Mikanire ? Il est donc primordial que les victimes de violences sexuelles soient mises au centre de toutes les discussions car elles sont les seules à savoir de quoi elles ont réellement besoin, a-t-elle fait souligné.

S’intéressant au rôle des mécanismes de responsabilité dans les contextes humanitaires, MME SARA HOSSAIN, directrice du Bangladesh Legal Aid and Services Trust, a relevé que certains des organes d'enquête créés par le Conseil des droits de l'homme avaient institué des « bonnes pratiques » en matière de documentation des violations croisées subies par les femmes et les filles. Le Conseil peut s'appuyer sur ces expériences positives et renforcer le mandat de ces organes, a-t-elle estimé.

Dans la pratique, pour beaucoup de personnes vivant dans des contextes humanitaires, la perspective que les tribunaux internationaux soient amenés à leur rendre justice est lointaine, a souligné Mme Hossain. Il est donc crucial de comprendre comment les systèmes existants peuvent aider les femmes et les filles à passer du statut de victimes de crimes internationaux à celui de maîtresses de leur vie aptes à aller de l'avant. Les femmes doivent aussi pouvoir parler de leurs propres expériences dans des espaces sûrs ; avoir accès à des services de conseil et de soutien en matière de santé mentale ; et ne pas être à nouveau traumatisées par les enquêtes sur les crimes dont elles ont été victimes.

Les femmes et les jeunes filles doivent aussi avoir accès à l'éducation et aux possibilités d'emploi, et donc à un revenu qui leur permette de faire des choix de vie – un facteur qui atténue les risques de violence. Enfin, a souligné Mme Hossain, l'accès à la technologie joue aussi un rôle essentiel pour que les femmes connaissent leurs droits.

MME Enid Muthoni Ndiga, Vice-Présidente principale du Programme juridique mondial du Center for Reproductive Rights (Kenya), a déclaré que la pandémie mondiale à laquelle nous sommes actuellement confrontés, conjuguée aux conflits et aux catastrophes naturelles de plus en plus nombreux, soulève la question de la responsabilité des droits humains des femmes et des filles dans les contextes humanitaires. Il existe un consensus mondial sur la nécessité de combler le lien entre l'humanitaire et le développement : cela ne peut se faire sans souligner la centralité des droits de l'homme dans ces discussions. Les contextes humanitaires exacerbent les schémas de discrimination bien ancrés et systémiques à l’encontre des femmes, dont les droits sont souvent négligés et dépourvus de toute priorité en cas d'urgence, ce qui les expose à un risque plus élevé de violations. En outre, les femmes et les filles sont rarement en mesure de demander justice et réparation pour les violations qu’elles ont eu à subir. La corruption, la discrimination contre les populations réfugiées dans les pays d'accueil, la crainte de représailles contre leurs familles, et la stigmatisation associée à la violence sexuelle sont autant de facteurs qui les en empêchent. C'est pourquoi nous devons faire de la responsabilité fondée sur les droits une priorité, a insisté Mme Muthoni Ndiga.

La crise de COVID-19 est sexospécifique, car elle a un impact disproportionné sur les femmes et les filles à travers le monde et elle encore amplifiée pour celles vivant dans des zones de crise humanitaire. Alors qu’elles sont déjà défavorables, les conditions à cet égard vont probablement empirer, notamment avec une augmentation de l'insécurité, de l'instabilité et de la détérioration des sites de déplacement et de nouvelles contraintes sur les ressources. De façon alarmante, certains gouvernements exploitent la pandémie pour restreindre l'accès aux services de santé sexuelle et reproductive existants, y compris dans les contextes humanitaires, a déploré l’intervenante.

Des mécanismes de responsabilité efficaces doivent aller au-delà de la responsabilité pénale et nécessitent une participation pleine, égale et effective des femmes et des filles, ainsi que la transparence et la capacité d’assurer des recours efficaces aux victimes, a indiqué Mme Muthoni Ndiga.

Aperçu du débat

Un grand nombre de délégations se sont félicitées de l’accent mis sur la nécessité d’assurer la reddition de comptes pour les violations des droits de l’homme des femmes et des filles dans le domaine de l’humanitaire. Une délégation a insisté sur l’importance de cette obligation redditionnelle pour garantir la pleine jouissance des droits de la personne dans les situations humanitaires.

Les situations de conflits et de catastrophes exacerbent les discriminations et les inégalités entre les sexes, rendant les femmes et les filles encore plus vulnérables, ont déploré certaines délégations. Dans ce contexte, toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles, constituent un obstacle majeur à leur participation pleine, égale et effective à la vie politique et socioéconomique, et les privent ainsi du plein exercice de leurs droits fondamentaux, a-t-il été souligné.

D’une manière générale, il faut intensifier les efforts pour prévenir et éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles, en y associant toutes les parties prenantes et encourager les mesures qui sont prises aux plans national et international pour poursuivre et sanctionner les auteurs de violences, et ce afin d’éradiquer l’impunité dans ce domaine, a déclaré une délégation.

Face aux conflits et à la violence, une délégation a expliqué qu’il fallait encourager une approche préventive et s’investir pour mettre en évidence les liens entre le renforcement des droits des femmes et la prévention efficace des conflits et des violences. À cette fin, il faut encourager la collaboration étroite entre les trois piliers de l’ONU (paix et sécurité, droits de l’homme et développement inclusif), a-t-elle expliqué.

De nombreuses délégations ont dénoncé « la seconde pandémie » que vivent les femmes et les jeunes filles suite à la COVID-19, du fait notamment des conséquences socioéconomiques de la crise et l’augmentation des violences à leur encontre.

*Liste des intervenants : Union européenne, Danemark (au nom des pays nordiques et baltes), Azerbaïdjan (au nom du Mouvement des non-alignés), Luxembourg (au nom d’un groupe de pays), Fidji (au nom d’un groupe de pays), Canada (au nom de la Francophonie), Qatar, ONU-Femmes, Allemagne, Angola, Pakistan, Sénégal, Arménie, Venezuela, Inde, Philippines, Iran, Australie, Cuba, Indonésie, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Égypte, Slovénie, Suisse, Swedish Association for Sexuality Education, Save The Children International, et Right Livelihood Award Foundation. Center for Reproductive Rights, Sikh Human Rights Group, et Asociacion HazteOir.org.

Réponses et conclusions des panélistes

M. ALOUDAT a constaté qu’un accord se dégage, parmi les participants au débat, quant à l’obligation de rendre justice et d’octroyer réparation aux femmes dont les droits ont été bafoués. Les acteurs humanitaires doivent trouver un équilibre entre l’action urgente nécessaire et la nécessité de respecter les droits des femmes, a-t-il souligné. Les conséquences de la COVID-19 montrent qu’il faut mieux se préparer aux situations d’urgence.

MME MIKANIRE a fait observer que l’insécurité et la non-implication (des victimes) rendent les programmes sur le terrain inefficaces. Il faut impliquer et écouter les survivantes, et réaliser des projets correspondant aux besoins identifiés au regard de leurs expériences, a-t-elle souligné. La pandémie a détérioré la vie des personnes vulnérables, a-t-elle en outre rappelé.

MME HOSSAIN a insisté sur la nécessité de placer les femmes et les filles au cœur des mesures prises contre la violence sexuelle et sexiste, afin qu’elles puissent exercer un certain contrôle sur les mesures prises en leur faveur. Le problème du mariage d’enfants reste entier, mais les enfants concernés ne devraient pas eux-mêmes être inquiétés par la justice, a-t-elle en outre indiqué.

Enfin, MME MUTHONI NDIGA a insisté, pour sa part, sur la manière de pérenniser la participation des femmes et des filles. Elle a en outre relaté des expériences réussies, en Colombie ou en Ouganda, pour garantir l’accès des femmes et des filles à la santé sexuelle et procréative. Les acteurs du développement doivent contribuer à l’effectivité de l’obligation redditionnelle pendant les crises, a-t-elle par ailleurs affirmé, avant de faire observer que ce processus passe également par une modification des lois.

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