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Les droits humains en afrique : Rétrospective 2019

Países
Nigeria
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Fuentes
Amnesty
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Origen
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RÉSUMÉ RÉGIONAL AFRIQUE

Alors qu’approchait l’échéance fixée au niveau régional concernant l’engagement politique de « faire taire les armes » avant 2020, des conflits armés insolubles se poursuivaient, et de nouvelles formes de violence commises par des acteurs non étatiques ont engendré des tueries, des actes de torture, des enlèvements, des violences sexuelles et des déplacements massifs, y compris des crimes de droit international, dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne.

Des conflits interminables continuaient de sévir en République centrafricaine, en République démocratique du Congo (RDC), au Soudan et au Soudan du Sud, avec des attaques ciblées ou aveugles contre les populations civiles. Au Cameroun, au Mali, au Nigeria, en Somalie et dans d’autres pays encore, des groupes armés se sont livrés à des exactions, des homicides et des enlèvements notamment, et ont provoqué des déplacements massifs de populations. Les forces de sécurité ont souvent réagi en perpétrant de graves violations des droits humains, telles que des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées et des actes de torture.

Ces conflits, l’insécurité, ainsi que les nouvelles formes de violence intercommunautaire qui ont surgi dans des pays comme l’Éthiopie, ont cruellement rappelé que l’Afrique était loin d’en avoir fini avec le cycle infernal des conflits armés et de la violence.

Souvent, ce ne sont pas les armes que l’on a fait taire, mais la justice et l’obligation de rendre des comptes pour les crimes et pour les autres graves violations des droits humains. Que ce soit au Nigeria ou au Soudan du Sud, les innombrables victimes de graves atteintes aux droits fondamentaux n’ont pas obtenu justice ni réparation.

L’année a également été marquée par une répression généralisée de la dissidence, qui s’est notamment traduite par la dispersion dans la violence de manifestations pacifiques et par des attaques contre les médias, les défenseur·e·s des droits humains et l’opposition politique. Dans plus de 20 pays, des personnes ont été privées du droit de manifester pacifiquement, y compris au moyen d’interdictions illégales, du recours à une force excessive, du harcèlement ou encore d’arrestations arbitraires.

Dans les deux tiers des pays étudiés, les gouvernements ont fortement restreint la liberté d’expression, certains d’entre eux s’en prenant tout particulièrement aux journalistes, aux personnes tenant un blog, aux organisations de la société civile et à l’opposition politique, notamment dans un contexte électoral.

Ces violations ont eu lieu sur fond d’absence de protection et de mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels. Les expulsions forcées non accompagnées de mesures d’indemnisation ont continué dans des pays tels que l’Eswatini, le Nigeria, l’Ouganda et le Zimbabwe. Les acquisitions commerciales à grande échelle de terres ont eu des incidences négatives sur les moyens de subsistance de milliers de personnes en Angola. L’accès à la santé et à l’éducation – déjà difficile à travers le continent – a davantage encore été entravé par des conflits dans des pays comme le Burkina Faso, le Cameroun et le Mali.

Malgré tout, partout en Afrique, des gens ordinaires, des militant·e·s et des défenseur·e·s des droits humains sont descendus dans la rue. À Khartoum, à Harare, à Kinshasa ou encore à Conakry, des manifestant·e·s pacifiques ont bravé les balles et les coups pour défendre les droits que leurs dirigeants ne voulaient pas protéger. Et, parfois, leur courage a permis de changer la donne, induisant d’importants changements dans les systèmes politiques et ouvrant la voie à une réforme profonde des institutions, par exemple en Éthiopie et au Soudan.

CONFLIT ARMÉ ET VIOLENCE

L’Afrique était toujours le théâtre de certains des conflits les plus insolubles au monde, et des pays tels que le Cameroun, le Mali, le Nigeria, la République centrafricaine, la RDC, la Somalie, le Soudan et le Soudan du Sud étaient déchirés par des conflits armés. Dans ces pays, ainsi qu’au Burkina Faso, en Éthiopie, au Mozambique et au Tchad, notamment, les attaques commises par des groupes armés et les violences intercommunautaires ont fait de nombreux morts et blessés et provoqué des déplacements de populations. Les forces de sécurité ont réagi en menant des opérations marquées par des violations généralisées des droits fondamentaux et des crimes de droit international.

ATTAQUES CIBLÉES OU AVEUGLES CONTRE DES CIVIL·E·S

Au Darfour, les forces du gouvernement soudanais et les milices qui lui étaient alliées se sont livrées à des homicides illégaux, des violences sexuelles, un pillage systématique et des déplacements forcés. Dans la région du Djebel Marra, les chiffres relevés en février faisaient état d’au moins 45 villages rasés, et les destructions se sont ensuite poursuivies ; en mai, on estimait que plus de 10 000 personnes avaient ainsi été forcées de fuir.

Au Soudan du Sud, des civil·e·s ont été tués lors d’affrontements sporadiques entre les forces gouvernementales et celles d’opposition. Les parties au conflit ont bloqué l’acheminement de l’aide humanitaire, l’enrôlement d’enfants soldats s’est accru, et les violences sexuelles liées au conflit étaient endémiques, notamment avec des viols, des viols en réunion et des mutilations sexuelles.

En Somalie, des civil·e·s ont cette année encore été tués ou blessés du fait du recours croissant par le Commandement des États-Unis pour l’Afrique (US AFRICOM) à des drones et à des aéronefs avec équipage menant des attaques sans discernement. Plus de 50 frappes aériennes ont été enregistrées – un nombre record –, causant la mort d’au moins trois civils ; le nombre de civils tués lors de telles attaques au cours des deux dernières années était d’au moins 17.

EXACTIONS COMMISES PAR DES GROUPES ARMÉS, VIOLENCES INTERCOMMUNAUTAIRES ET RÉACTIONS ILLÉGALES DES POUVOIRS PUBLICS

Les groupes armés ont continué de se livrer à violentes attaques et de commettre un vaste ensemble d’exactions et de crimes au Burkina Faso, au Cameroun, au Mali, au Nigeria, en République centrafricaine, en RDC et en Somalie, entre autres. Certaines attaques ont constitué de graves atteintes au droit international humanitaire. Souvent, les forces de sécurité et leurs alliés y ont répondu en commettant à leur tour de graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains.

En Somalie, l’ONU avait recensé mi-novembre plus de 1 150 victimes civiles. Al Shabab a été responsable de la plupart de ces attaques ciblées, y compris de l’attentat au camion piégé du mois de décembre, qui a causé la mort de près de 100 personnes à Mogadiscio. De nombreux civil·e·s ont également été tués ou blessés lors d’opérations militaires menées contre Al Shabab par les forces du gouvernement somalien et de ses alliés, souvent dans le cadre d’attaques menées sans discrimination.

Au Cameroun, dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les groupes armés séparatistes anglophones ont continué de commettre des exactions, notamment des homicides, des mutilations et des enlèvements. L’armée a réagi de façon disproportionnée en se livrant à des exécutions extrajudiciaires et en incendiant des habitations.

La situation sur le plan de la sécurité s’est fortement dégradée dans le centre du Mali, les groupes armés et les « groupes d’autodéfense » autoproclamés tuant massivement des civil·e·s. Face à cela, les forces de sécurité maliennes ont perpétré de très nombreuses violations, notamment des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture.

En Éthiopie, les forces de sécurité ont souvent réagi par une force excessive à la multiplication des violences intercommunautaires, qui ont fait des centaines de morts. Par exemple, en janvier, les forces armées éthiopiennes ont tué au moins neuf personnes, dont trois enfants, lors d’opérations visant à réprimer les violences ethniques dans la région Amhara. Elles se sont engagées à mener une enquête mais, à la fin de l’année, leurs conclusions n’avaient toujours pas été rendues publiques.

ABSENCE DE PROTECTION DES CIVIL·E·S CONTRE LES EXACTIONS COMMISES PAR DES GROUPES ARMÉS

De nombreux États, ainsi que les forces internationales de maintien de la paix, ont également failli à leur obligation de protéger la population civile contre les crimes de guerre et les autres graves atteintes aux droits humains perpétrés par des groupes armés, tels que les homicides, les actes de torture, les enlèvements et les déplacements massifs de population.

Dans l’est de la RDC, en novembre, la police locale et des Casques bleus de l’ONU qui se trouvaient à proximité n’ont pas réagi quand des groupes armés ont tué au moins 70 civil·e·s à Beni.

Au Nigeria, les forces de sécurité n’ont pas protégé la population civile quand Boko Haram a mené plus de 30 attaques dans le nord-est du pays, qui ont causé la mort d’au moins 378 civil·e·s et le déplacement de plusieurs milliers de personnes. Les habitants de villes et villages attaqués ont signalé le retrait des forces de sécurité nigérianes peu avant ces offensives.

Au Cameroun, dans la région de l’Extrême-Nord, la population civile a protesté contre l’absence de protection de la part de l’État, exprimant ainsi son sentiment d’abandon face à la multiplication des attaques lancées par le groupe armé Boko Haram, lors desquelles au moins 275 personnes ont été tuées et d’autres mutilées ou enlevées.

IMPUNITÉ

L’une des principales raisons de la poursuite du cycle des conflits armés et des violences dans de si nombreux pays était l’absence persistante d’enquêtes dignes de ce nom et de mesures efficaces permettant d’amener les auteurs des flagrantes violations des droits humains, notamment de crimes de droit international, à répondre de leurs actes. De timides progrès ont été enregistrés dans certains pays mais, de manière générale, aucune initiative concrète n’était prise pour que les victimes obtiennent justice.

Au Soudan du Sud, les auteurs de graves violations commises pendant le conflit armé jouissaient toujours de l’impunité, et le gouvernement a continué de faire barrage à la création d’un tribunal hybride pour le Soudan du Sud – mécanisme judiciaire placé sous la direction de l’Union africaine et visant à solder le passif des violences et à apporter justice aux victimes du conflit.

Au Soudan, les auteurs des graves violations commises depuis 16 ans au Darfour, notamment des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide, n’avaient toujours pas été déférés à la justice.

Comme les années précédentes, le gouvernement du Nigeria n’a pris aucune véritable mesure pour apporter justice aux innombrables victimes de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés dans le nord-est du pays par Boko Haram et par ses propres forces de sécurité.

Le président malien a promulgué une loi « d’entente nationale » qui, selon l’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Mali, était susceptible d’« empêcher les victimes de violations graves d’exercer leur droit à un recours effectif devant un tribunal ou tout autre mécanisme de justice transitionnelle pour une justice juste et équitable, d’obtenir réparation et de connaître la vérité sur les violations commises dans le passé ». Malgré les nombreuses violations et exactions commises depuis 2012, seul un petit nombre de procès ont eu lieu, et les condamnations étaient encore plus rares.

L’impunité était généralisée aussi bien pour les exactions perpétrées par des acteurs non étatiques que pour les violations commises par des acteurs étatiques, notamment pour la répression exercée contre les protestataires ainsi que pour les actes de torture et les autres agressions ciblant les défenseur·e·s des droits humains, les militant·e·s de la société civile, les minorités et les personnes réfugiées ou migrantes.

Au Soudan, les violentes attaques commises de façon persistante par les forces de sécurité contre des manifestant·e·s pacifiques – qui ont fait 177 morts et plusieurs centaines de blessés – n’ont pourtant donné lieu qu’à un seul procès. En octobre, le tout récent gouvernement de transition a mis en place une commission chargée d’enquêter sur les violations les plus graves commises à Khartoum le 3 juin. Cependant, alors que cette commission devait rendre publics son rapport et ses conclusions dans un délai de trois mois, ce délai a été prolongé.

En Éthiopie, le gouvernement n’avait toujours pas mené d’enquêtes exhaustives et impartiales sur les violences commises par des acteurs non étatiques et par les forces de sécurité, notamment sur les meurtres de protestataires et sur les nombreuses allégations portant sur des actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés dans les prisons.

Quelques avancées timides ont tout de même été notées, en particulier en République centrafricaine : certains cas d’exactions perpétrées par des groupes armés étaient examinés par des tribunaux de droit commun, et la Cour pénale spéciale (CPS) a reçu 27 plaintes et lancé des enquêtes. Cependant, la CPS n’avait toujours pas émis de mandat d’arrêt ni ouvert de procès. De plus, l’accord de paix conclu en février entre les autorités et 14 groupes armés a conduit à la nomination au sein du nouveau gouvernement d’auteurs présumés d’atteintes aux droits humains, et l’impunité perdurait.

En RDC, la situation était tout aussi contrastée. Des tribunaux militaires ont jugé des cas de viols perpétrés dans le cadre du conflit, mais la plupart des responsables de haut rang civils et militaires soupçonnés d’avoir commis ou commandité des crimes de droit international n’avaient pas été amenés à rendre des comptes. Plusieurs personnalités politiques et hauts responsables soupçonnés de violations ont été maintenus ou nommés à des postes haut placés dans des institutions publiques.

COUR PÉNALE INTERNATIONALE

Des avancées ont été enregistrées concernant la Cour pénale internationale (CPI) en Côte d’Ivoire, au Mali, en République centrafricaine et en RDC, mais la situation n’a guère progressé en Guinée, au Nigeria et au Soudan.

En tout début d’année, la Chambre de première instance de la CPI a acquitté Laurent Gbagbo, ancien chef d’État ivoirien, et Charles Blé Goudé, un de ses anciens ministres, de toutes les charges de crimes contre l’humanité pesant sur eux pour des faits qui auraient été perpétrés en Côte d’Ivoire en 2010 et 2011. La procureure de la CPI a fait appel de cette décision.

En décembre, un rapport émanant du bureau de la procureure de la CPI a une fois de plus confirmé que le gouvernement nigérian ne prenait pas les mesures nécessaires afin que justice soit rendue pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés par Boko Haram et par ses propres forces de sécurité pendant le conflit dans le nord-est du Nigeria. Toutefois, le bureau de la procureure n’a pas indiqué s’il allait ou non ouvrir une enquête, près de 10 ans après le lancement de l’examen préliminaire. Il a toutefois laissé entendre qu’une décision serait prise à ce sujet en 2020.

Au Soudan, les autorités n’ont transféré à la CPI ni l’ancien chef d’État Omar el Béchir, chassé du pouvoir en avril, ni les trois autres individus qui faisaient l’objet d’un mandat d’arrêt pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au Darfour.

Des avancées ont été enregistrées en ce qui concerne la République centrafricaine. En janvier, Patrice Edouard Ngaïssona, chef d’une milice anti-balaka, a été déféré à la CPI pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre qui auraient été commis en 2013 et en 2014. En février, cette affaire a été jointe à la procédure engagée contre Alfred Yekatom, également chef d’un groupe armé anti-balaka. En décembre, les charges retenues contre eux ont été partiellement confirmées, et l’affaire a été renvoyée en jugement.

En septembre, la CPI a confirmé les charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité retenues contre Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud, ancien chef de la police islamique dans la ville de Tombouctou, au Mali.

En novembre, elle a condamné Bosco Ntaganda, ancien chef d’état-major d’une milice ayant opéré dans l’est de la RDC, à 30 ans d’emprisonnement. En juillet, il avait été déclaré coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.