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La situation en Afrique centrale et les activités du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale - Rapport du Secrétaire général (S/2019/913)

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Introduction

  1. Le présent rapport fait suite à la déclaration de la Présidente du Conseil de sécurité en date du 10 août 2018 (S/PRST/2018/17), dans laquelle le Conseil m’a prié de le tenir informé des activités du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale. On y trouvera un compte rendu des principaux faits survenus en Afrique centrale sur les plans de la politique et de la sécurité depuis mon dernier rapport daté du 24 mai 2019 (S/2019/430), ainsi que des progrès accomplis par le Bureau régional dans l’exécution de son mandat au regard des conclusions de son examen stratégique, qui ont été accueillies favorablement par le Conseil dans la déclaration de son président en date du 12 septembre 2019 (S/PRST/2019/10). Y figure également une évaluation actualisée de la situation dans le bassin du lac Tchad, comme le Conseil l’a demandé dans sa résolution 2349 (2017).

II. Principaux faits nouveaux survenus dans la sous-région de l’Afrique centrale

A. Tendances et faits nouveaux sur les plans de la politique, de la paix et de la sécurité

  1. La préparation d’élections et le règlement des problèmes issus d’élections passées ont continué d’occuper une place prépondérante dans le paysage politique de l’Afrique centrale. Alors que plusieurs pays peinaient à opérer une transition démocratique pacifique et crédible, les appels en faveur de réformes lanc és par la population, composée en majorité de jeunes, se sont faits de plus en plus pressants. Certains pays ont continué de préconiser une intégration économique accrue, y compris en ce qui concerne la libre circulation des personnes et des biens dans la zone de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), tandis que d’autres se sont montrés réticents à abaisser des obstacles qu’ils jugeaient nécessaires pour leur sécurité nationale.

  2. L’Afrique centrale a franchi une étape importante en adoptant un plan très attendu en vue de la réforme institutionnelle de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). D’ici à la fin de 2019, les chefs d’État et de gouvernement doivent signer le programme de réformes élaboré et approuvé par les ministres en juin et juillet et visant à transformer le secrétariat de la CEEAC en une commission et à intégrer pleinement le Conseil de paix et de sécurité en Afrique centrale dans l’architecture institutionnelle de la CEEAC. Le 26 juillet, le Gabon a annoncé qu’il faisait don d’un bâtiment à Libreville pour abriter le siège de la nouvelle commission de la CEEAC.

Tendances et faits nouveaux sur le plan politique

  1. En Angola, le gouvernement du Président João Lourenço a continué de mettre l’accent sur la lutte contre la pauvreté et la corruption et pris des mesures face à l’accroissement de la dette publique. Dans le cadre de son septième congrès extraordinaire, qui a eu lieu le 15 juin à Luanda, le Mouvement populaire pour la libération de l’Angola, le parti au pouvoir, a adopté une stratégie en vue de la tenue des élections municipales en 2020 et voté en faveur de l’élargissement de son comité central, qui comptera près de 500 membres.

  2. Au Cameroun, les tensions qui avaient émergé à la suite de l’élection présidentielle contestée d’octobre 2018 ont refait surface après l’arrestation de plus de 280 membres du Mouvement pour la renaissance du Cameroun, un parti d’opposition, lors de manifestations organisées les 1 er et 8 juin à Yaoundé, Douala, Nkongsamba, Bafousam et Bangangté. La tenue d’élections législatives, reportée à deux reprises depuis 2018, était un enjeu majeur. Le 27 juin, le Gouvernement suisse a rendu publique l’action qu’il menait pour faciliter, par le dialogue, le règlement de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Le 26 août, à Yaoundé, le Gouvernement a annoncé son intention de rouvrir les écoles de ces régions. En réaction, les sécessionnistes ont mené une nouvelle opération « ville morte » de 16 jours dans les deux régions, ce qui a entraîné une recrudescence des déplacements.

  3. Du 30 septembre au 4 octobre, à Yaoundé, le Premier Ministre Joseph Dion Ngute a présidé un dialogue national portant essentiellement sur la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Les participants étaient issus de divers secteurs de la société camerounaise. Les dirigeants du mouvement sécessionniste et les membres du parti d’opposition de l’ancien candidat à la présidence Maurice Kamto, dont certains étaient détenus à l’époque, n’ont pas participé au dialogue. Certains chefs de file de l’opposition ont quitté le processus de dialogue et rejeté ses résultats. Le dialogue national a abouti à des recommandations, notamment l’instauration d’un statut spécial pour les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et la création de conseils régionaux. On peut par ailleurs citer, parmi les autres résultats, l’autorisation de la double nationalité et la représentation de la diaspora à l’Assemblée nationale, l’adoption de mesures visant à promouvoir le bilinguisme et la désignation de médiateurs ayant pour mandat d’instaurer un dialogue avec les membres radicalisés de la diaspora. Le Premier Ministre s’est engagé à rouvrir les écoles et à veiller à la reprise des activités socioéconomiques et au retour des personnes réfugiées et déplacées. Ces recommandations ont été soumises au Président Paul Biya pour examen. À ce jour, aucune décision officielle n’a été rendue publique.

  4. Le 3 octobre, M. Biya a mis fin aux poursuites judiciaires engagées contre 333 personnes détenues en rapport avec la crise dans les deux régions. Le 5 octobre, un tribunal militaire a ordonné, à la demande du Président, la libération de M. Kamto et de 102 autres membres du Mouvement pour la renaissance du Cameroun. Depuis, les autorités ont interdit trois manifestations publiques organisées par des partisans de M. Kamto. Le 10 novembre, le M. Biya a signé un décret demandant la tenue d’élections législatives et municipales le 9 février 2020.

  5. Au Tchad, les conditions de sécurité étaient de plus en plus préoccupantes. Le 19 août, face à l’anarchie qui persistait dans certaines régions du nord et à l’escalade de la violence intercommunautaire dans l’est, le Conseil des ministres a décrété l’état d’urgence dans la province septentrionale du Tibesti et dans les provinces orientales du Ouaddaï et du Sila. Le 21 août, le Gouvernement a annoncé la fermeture des frontières avec la Libye, la République centrafricaine et le Soudan. Seuls quelques points de passage officiels sont restés ouverts le long de chaque frontière. Le 10 septembre, l’Assemblée nationale a prorogé l’état d’urgence dans les trois provinces jusqu’en janvier 2020. Le 11 novembre, les forces de sécurité gouvernementales ont signé avec le comité d’autodéfense de Miski un accord visant à mettre fin aux combats qui avaient éclaté plusieurs semaines auparavant dans le Tibesti.

  6. Au Tchad, l’organisation des élections législatives et locales, qui ont été reportées à plusieurs reprises depuis 2015, a continué de progresser. Le 3 juillet, l’Assemblée nationale a adopté une nouvelle loi électorale conforme aux dispositions de l’ordonnance de 2018 sur la parité. Le 12 septembre, le Président Idriss Déby Itno a nommé les membres du nouveau bureau du Cadre national de dialogue politique. Ce dernier a immédiatement commencé à réviser la loi électorale afin de réduire les délais légaux et d’organiser des élections d’ici à la fin de 2019, comme l’a demandé le Gouvernement. Le 3 octobre, la Commission électorale nationale indépendante a annoncé que les élections législatives auraient probablement lieu au cours du premier trimestre de 2020.

  7. Au Congo, certains progrès ont été enregistrés sur la voie d’un dialogue politique ouvert à tous. Depuis le 9 octobre, le Conseil national du dialogue mène des consultations avec les parties prenantes nationales, notamment les partis politiques, les groupes religieux, la société civile et les organisations professionnelles, en vue d’un dialogue qui se tiendra en 2020. La mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu conclu en 2017 entre le Gouvernement et la milice Ninja de la région du Pool, dirigée par Frédéric Bintsamou (alias le Pasteur Ntumi), a continué à progresser. La réintégration, une phase critique du programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration, qui bénéficie du soutien du Fonds pour la consolidation de la paix, n’a cependant pas encore commencé. Cela s’explique en grande partie par le fait que la contribution financière de 4 millions de dollars attendue du Gouvernement, laquelle devait encourager les donateurs à apporter leur appui, n’a pas été versée.

  8. Au Gabon, le Président Ali Bongo Ondimba a progressivement repris ses fonctions, qu’il avait quittées en octobre 2018 pour raisons de santé. Le 10 juin, il a remanié le Gouvernement en limogeant plusieurs de ses membres : le nouveau Gouvernement, dirigé par un premier ministre, est composé de 28 ministres et viceministres. Un portefeuille ministériel relatif à la promotion de la bonne gouvernance a été créé. Le 4 octobre, un autre remaniement a porté le nombre de ministres à 31. La Cour constitutionnelle a prêté serment le 24 septembre. Sa présidente ainsi que la plupart des juges ont été réélus pour un mandat de neuf ans, conformément aux dispositions de la Constitution de 2018.

  9. À Sao Tomé-et-Principe, les querelles intestines et l’antagonisme entre les divers partis politiques ont augmenté à la suite d’une scission de la direction de l’ancien parti au pouvoir, l’Action démocratique indépendante, et de l’aggravation marquée des tensions au sein de la coalition au pouvoir. La persistance des pénuries de carburant et des coupures d’électricité a entraîné une multiplication des manifestations, des actes de vandalisme et de violence et des troubles publics. Afin de démontrer son attachement à la stabilité institutionnelle et politique du pays, le Gouvernement a convoqué, le 17 septembre, une réunion de haut niveau au cours de laquelle le Président Evaristo do Espírito Santo Carvalho, le Premier Ministre Jorge Lopes Bom Jesus et le Président de l’Assemblée nationale Delfim Santiago das Neves se sont engagés à préserver la stabilité institutionnelle et politique du pays et à élaborer une stratégie de modernisation du secteur judiciaire.

  10. Le 16 juillet, la Guinée équatoriale a entériné la suppression des visas pour les ressortissants des pays de la CEMAC, conformément à l’accord de 2013 sur la libre circulation des personnes en Afrique centrale. Le Congo et le Gabon avaient été les deux derniers pays à ratifier l’accord en octobre 2017.

  11. Le 16 août, le Ministre équato-guinéen des affaires étrangères et de la coopération internationale a démenti publiquement les rumeurs selon lesquelles son pays construirait un mur le long de la frontière avec le Cameroun. Ces rumeurs avaient poussé le chef d’état-major de l’armée camerounaise à annoncer qu’aucune intrusion illégale sur le territoire du Cameroun ne serait tolérée. En juillet, le Gabon a ratifié l’accord spécial visant à soumettre à la Cour internationale de Justice son différend frontalier maritime avec la Guinée équatoriale.

  12. Le 12 juillet, l’Angola a convoqué un sommet quadripartite à Luanda avec les Présidents de l’Ouganda, de la République démocratique du Congo et du Rwanda. Dans un communiqué commun, les dirigeants ont renouvelé leur engagement en faveur du dialogue sur la coopération économique et politique et le règlement pacifique des différends. Le 21 août, à Luanda, les Présidents de l’Ouganda et du Rwanda ont signé un mémorandum d’accord visant à normaliser les relations entre leurs deux pays. Le processus était facilité par les Présidents de l’Angola et de la République démocratique du Congo. Le 16 septembre, la commission ministérielle créée pour appliquer le mémorandum d’accord a tenu sa première réunion à Kigali et publié un communiqué commun décrivant plusieurs mesures visant à faire avancer le processus.