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Il faut une éducation capable de transformer la société - Koumbou Boly Barry, experte de l’ONU

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Koumbou Boly Barry est Rapporteure spéciale des Nations Unies sur le droit à l’éducation depuis 2016, nommée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Pour elle, l’éducation est un outil puissant qui est capable de transformer la société et de prévenir les conflits.

Originaire du Burkina Faso, Koumbou Boly Barry a été par le passé Ministre de l’éducation et de l’alphabétisation de son pays et a mené de nombreuses consultations auprès de divers gouvernements et institutions internationales sur le droit à l’éducation. Elle est une défenseure des questions de genre dans l’éducation.

Elle était récemment à New York pour présenter son rapport annuel devant l’Assemblée générale des Nations Unies. Elle en a aussi profité pour rencontrer des étudiants et des enseignants à Columbia University et à New York University. Dans ce rapport, elle examine les différentes façons dont le droit à l’éducation contribue à prévenir les atrocités criminelles ainsi que les violations graves ou massives des droits humains.

ONU Info l’a rencontrée et lui a demandé quel rôle l’éducation peut jouer dans la prévention des conflits, mais aussi s’il y a des circonstances dans lesquelles les écoles peuvent diviser au lieu de rassembler.

« L’éducation, pour moi, c’est un instrument puissant. C’est un système au niveau de la société qui permet d’anticiper, de prévenir, et cela est fondamental. Ce rôle d’anticipation est essentiel parce qu’au lieu d’attendre que les conflits éclatent (…) autant prévenir », explique Koumbou Boly Barry.

Selon elle, si on intègre les valeurs fondamentales essentielles de solidarité et d’acceptation de la diversité culturelle mais aussi une culture de gestion des conflits, il est possible, en démarrant dès la petite enfance, de développer cette capacité du système éducatif à aider les sociétés à prévenir les atrocités et les conflits.

« On me demande souvent à quel moment il faut démarrer et je leur dis : ‘Il faut démarrer très tôt’ », souligne-t-elle.

Elle prend l’exemple d’un enfant âgé de trois ans qui bouscule une petite camarade par mégarde et fait tomber son cartable.

« Le minimum c’est sa capacité déjà à lui dire : ‘Excuse-moi, pardon’. Rien que ça déjà. Et l’autre va peut-être récupérer le cartable et lui dire : ‘Merci’. Vous voyez. C’est déjà cette capacité intérieure à être en paix avec soi-même, à développer cette confiance mais aussi surtout à développer une sorte d’empathie vis-à-vis des autres. Et cela commence déjà très tôt. Et il faut absolument que les valeurs intrinsèques puissent être développées déjà à cet âge-là », souligne l’experte.

Elle estime qu’il faut que l’éducation donne aussi les outils et les instruments fondamentaux aux élèves pour pouvoir décoder, pour pouvoir être capable de critiquer les informations qu’ils reçoivent.

« L’éducation est souvent le reflet de ce qui existe dans la société »

Koumbou Boly Barry reconnaît qu’il existe des circonstances dans lesquelles les écoles peuvent diviser au lieu de rassembler.

Dans une situation de guerre interethnique, l’éducation est souvent utilisée comme un instrument de propagande, pour diviser les gens. Les manuels scolaires vont ainsi reléguer au deuxième plan l’histoire d’un groupe ethnique pour renforcer le pouvoir de domination d’un groupe sur un autre.

La Rapporteure spéciale prend aussi l’exemple d’images stéréotypées dans les manuels scolaires de femmes et de filles « qui sont à la cuisine, qui sont en train de balayer, qui sont en train d’aller chercher de l’eau, qui sont en train de servir le mari ». « L’éducation est souvent le reflet de ce qui existe dans la société et il faut que l’éducation soit plutôt une sorte d’avant-gardiste en prévenant, en anticipant et en proposant plutôt des valeurs fondamentales humaines », dit-elle.

Si elle avait à convaincre une famille d’envoyer leur petite fille à l’école, elle lui dirait qu’il faut qu’elle l’envoie à l’école comme elle le ferait pour leur petit garçon, « car c’est un droit pour elle, un droit reconnu au niveau international, c’est un droit reconnu au niveau national ».

« Mais au-delà, pour cette famille, c’est aussi donner une chance, une opportunité à cette petite fille d’être autonome parce qu’elle va être compétente, elle va acquérir des capacités, des valeurs et c’est ça qui va l’aider à s’assumer demain, à être autonome, mais aussi à s’assumer au sein de cette famille et à accompagner toute la société dans laquelle cette famille vit », ajoute-t-elle.

Selon la Rapporteure spéciale, il faut « proposer une éducation capable de transformer la société », permettant de développer l’acceptation de soi, l’acceptation de l’autre, de la diversité culturelle. Elle plaide pour une pédagogie ouverte vers la société et pas confinée à ce qui est écrit dans les manuels.

Mieux financer, organiser et gérer l’éducation

S’agissant du financement de l’éducation, Koumbou Boly Barry estime qu’il faut aussi voir comment, au-delà du manque de ressources, mieux s’organiser et gérer ce qui existe déjà dans les pays.

Lorsqu’elle était ministre de l’éducation au Burkina Faso, elle a changé la manière de gérer les ressources.

« Quand je suis arrivée, les ressources étaient gérées à 80% au niveau central, quand j’ai quitté le ministère, 80% des ressources financières étaient gérées au niveau des écoles et au niveau des régions et des provinces. C’est un choix politique et il faut absolument que de plus en plus les ressources financières qui existent soient mises à disposition des écoles, des centres d’alphabétisation, des espaces de petite enfance, des universités et des centres de formation professionnelle. Et je vous assure qu’on parlera moins de carence ou de déficit de financement », explique-t-elle.

Elle prend l’exemple de la fourniture de table-bancs pour les salles de classe. Selon elle, il ne faut pas oublier qu’il y a des petits artisans qui existent dans les petites localités et qu’il faut juste leur remettre de l’argent pour qu’ils fabriquent ces table-bancs et les livrent dans les écoles à proximité.

La même chose pour les cantines scolaires. Au lieu d’un appel d’offres au niveau central, elle estime qu’il vaut mieux fournir les ressources aux écoles pour qu’elles s’organisent avec les parents d’élèves qui sont aussi des paysans producteurs de denrées alimentaires pour qu’ils fournissent aux écoles du riz, du mil et du lait.

« Non seulement, ils vont donner du bon mil, du bon riz, parce que ce sont leurs enfants qu’ils vont nourrir, mais mieux, vous développez l’économie locale autour de l’école », souligne-t-elle. « Vous faites une sorte de lien entre l’école et la société, entre l’école et le système productif de la localité ».