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La Rapporteuse Spéciale sur les droits des peuples autochtones, Mme Victoria Tauli-Corpuz, conclue sa visite en République du Congo 14 -24 octobre 2019

Countries
Congo
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24 octobre 2019 - En ma qualité de Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, j'ai effectué une mission officielle en République du Congo, à l'invitation du Gouvernement, du 14 au 24 octobre 2019. Ma visite avait pour objet d'évaluer les progrès accomplis dans la promotion et la protection des droits des peuples autochtones depuis la visite de mon prédécesseur, Prof. James Anaya, en 2010, et plus particulièrement les efforts déployés au niveau national pour appliquer les recommandations contenues dans son rapport.

Je remercie le Gouvernement de la République du Congo de sa coopération avec les titulaires de mandat au titre des Procédures Spéciales du Conseil des droits de l'homme en m'invitant à conduire cette visite et de l'accueil que m'ont réservé les représentants gouvernementaux, y compris aux plus hauts niveaux. J'ai été reçue par le Premier Ministre, le Ministre des affaires étrangères, le Ministre de la justice, des droits humains et des populations autochtones, le Ministre des affaires sociales, le Ministre de l'économie forestière, le Ministre de la Santé, de la population et de la promotion de la femme et le Ministre de l'enseignement primaire et secondaire et de l'alphabétisation. J'ai rencontré le président de l'Assemblée Nationale et le président du Sénat. J'ai rencontré des experts techniques du Ministère des affaires foncières, du Département présidentiel pour la promotion et l'intégration des femmes, ainsi que la Secrétaire exécutive du Conseil consultatif des femmes nouvellement créé et le Président de la Commission nationale des droits de l'homme. J'apprécie également les efforts du gouvernement pour faciliter ma visite dans le département de Sangha. En me rendant dans cette forêt dense à plus de 800 km au nord de Brazzaville, j'ai visité trois communautés forestières autochtones à Pokola et Kabo et j'ai parlé avec des membres et des représentants d’autres communautés telles que Ngatongo, Bomassa, Peke et Djaka. A mon retour à Brazzaville, j'ai également consulté des représentants autochtones des départements de la Lekoumou, du Pool et des Plateaux. J'ai eu des entretiens avec des agences des Nations Unies, les représentants de l'Union européenne, des fondations telles que la Wildlife Conservation Society (WCS) et des entreprises privées telles que la Congolaise Industrielle des Bois (CIB) du groupe OLAM, toutes deux actives dans la forêt de la Sangha. Je tiens à remercier la Coordonnatrice Résidente des Nations Unies en République du Congo et le Représentant résident du Programme des Nations Unies pour le Développement, ainsi que leur personnel, pour leur excellente collaboration dans l'organisation de cette visite.

Enfin, j'ai rencontré des représentants d'organisations autochtones et de la société civile à Brazzaville, Ouesso, Pokola et Kabo. Brazzaville, j'ai tenu des consultations avec le Réseau national pour la promotion des peuples autochtones du Congo (RENAPAC).

Je souhaiterais tout d'abord féliciter le gouvernement pour le cadre juridique exemplaire qu'il a adopté depuis 2011. La loi no 5-2011 sur la promotion des peuples autochtones établit une base juridique solide pour permettre aux peuples autochtones de faire valoir leurs droits, de protéger leur culture et leurs moyens de subsistance et d'accéder aux services sociaux de base et de protéger leurs droits civils et politiques. En 2015, la promotion et la protection des peuples autochtones ont été reconnues par l'article 16 de la nouvelle Constitution. En juillet 2019, six projets de décrets sur neuf étaient adoptés pour mettre en œuvre la loi de 2011 sur les peuples autochtones, et prévoient des mesures spéciales pour faciliter l'enregistrement à l'état civil et l'accès aux services sociaux de base et à l'éducation. Ces décrets donnent également des orientations pour la consultation libre, informée et préalable des peuples autochtones dans le cadre de projets socioéconomiques et pour la protection de la propriété et des connaissances culturelles, intellectuelles, spirituelles et religieuses autochtones. Les décrets ont mis en place le comité interministériel qui guidera l'action du Gouvernement en faveur des peuples autochtones, notamment en ce qui concerne l'application des plans d'action nationaux du Gouvernement pour améliorer la qualité de vie des peuples autochtones.

En juillet 2017, un décret a transféré la responsabilité de la protection des droits des peuples autochtones du Ministère des Affaires Sociales au portefeuille du Ministère de la Justice et des Droits de l'Homme. Il a également créé une Direction générale pour la promotion des peuples autochtones, avec des antennes départementales dans 11 départements du pays. La Direction est opérationnelle depuis fin 2018.

Ces développements ont établi une architecture juridique et administrative impressionnante depuis la visite de mon prédécesseur en 2010. La plupart des préoccupations que j'ai entendues au cours de ma visite portaient donc plutôt sur la rapidité, la portée et l'efficacité des mesures visant à mettre en œuvre ces dispositions juridiques pour le respect, la protection et la réalisation des droits des peuples autochtones dans la pratique. L'accès à la terre et aux ressources, l'accès aux soins de santé primaires et à l'éducation et l'accès à l'emploi ont été des thèmes récurrents. La participation limitée des peuples autochtones aux décisions publiques et l'exploitation sexuelle des jeunes femmes autochtones sont d'autres préoccupations que j’ai pu relever.

Discrimination:

Je suis d’accord avec les observations de mon prédécesseur, Prof. James Anaya, ainsi que celles du Groupe de travail sur les populations autochtones de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, sur la situation généralisée de discrimination, d'exclusion et de marginalisation des peuples autochtones de la vie sociale, économique et politique générale de la société congolaise. L'observation de mon prédécesseur selon laquelle les peuples autochtones occupent des positions non dominantes dans la société congolaise et ont souffert et continuent de souffrir de menaces contre leur identité distincte et leurs droits fondamentaux reste certainement valable, et ce d'une manière que la majorité bantoue ne connaît pas.

La plupart des responsables gouvernementaux que j'ai rencontrés ont affirmé qu'il n'y a pas de discrimination à l'égard des peuples autochtones et que les défis auxquels ils sont confrontés ne leur sont pas exclusifs. Ils ont dit que les Bantous souffrent également d'un manque d'accès aux services sociaux de base. Cependant, je ne suis pas d'accord pour dire que la discrimination et l'exclusion des peuples autochtones n'existent pas en République du Congo.

Cependant, le simple fait que la loi no 5-2011 portant promotion et protection des droits des peuples autochtones ait été promulguée est clairement une reconnaissance du fait que les peuples autochtones souffrent de discrimination, d'inégalité et d'injustice sociale, dans le passé et à présent. C'est précisément à cette situation que la loi entend remédier. L'existence de cette loi ne peut en soi servir de prétexte pour dire qu'il n'y a pas de discrimination.

Même le projet de Plan d'action national (PAN) pour l'amélioration de la qualité de vie des peuples autochtones (2019-2022) indique que les peuples autochtones "... souffrent encore de marginalisation et de discrimination dans tous les secteurs de la vie sociale ; leur accès aux services sociaux de base est un goulet d'étranglement, en particulier dans les zones les plus reculées, à savoir l'éducation, la santé, la culture, le sport, l'eau et l'énergie, mais aussi les terres et ressources et les droits civils et politiques "... C'est pourquoi le PAN actuel a défini des priorités pour lutter contre la discrimination à l'égard des peuples autochtones. Le premier PAN (2009-2015) comportait un quatrième domaine prioritaire sur l'identité culturelle qui visait à réduire les attitudes nationales négatives à l'égard des cultures des peuples autochtones.

Il ne fait aucun doute que la loi de 2011 sur les droits des autochtones et les PAN contiennent de très bonnes dispositions qui reconnaissent l'existence de la discrimination et que les objectifs, activités et budgets de lutte contre la discrimination et l'exclusion ont été intégrés. Je félicite le Gouvernement d'avoir adopté cette importante loi et les décrets d'application, bien que je regrette la lenteur de la mise en œuvre effective de la loi, dont les décrets d’application n’ont été que récemment adoptés.

Education:

En ce qui concerne l'éducation, mon prédécesseur a déjà souligné la nécessité de mettre en place des programmes éducatifs culturellement adaptés pour encourager les peuples autochtones à poursuivre leurs études et leur donner les compétences nécessaires pour les aider à devenir des leaders au sein de leurs propres communautés, notamment en leur donnant les moyens de faire connaître les droits des peuples autochtones et leurs propres connaissances traditionnelles.

Les obligations de l'État en ce qui concerne le droit de tous les enfants à l'éducation sont consacrées par la Convention relative aux droits de l'enfant, et le droit des peuples autochtones d'établir et de contrôler leur propre système éducatif et d'accéder à l'éducation publique sans discrimination est encore renforcé dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

L'article 19 de la loi no 5-2011 fait obligation à l'État d'élaborer et de mettre en œuvre des programmes éducatifs et des structures appropriées qui correspondent aux besoins et au mode de vie des peuples autochtones. L'éducation doit être gratuite et obligatoire pour tous les enfants de 6 à 16 ans en République du Congo, et le décret d'application sur l'accès à l'éducation pour les enfants autochtones prévoit la possibilité de bourses pour soutenir leur accès à l'enseignement supérieur. Le décret d'application ordonne en outre à l'État de fournir chaque année des trousses scolaires aux enfants autochtones, de distribuer des uniformes scolaires et de créer et d'entretenir des restaurants scolaires pour veiller à ce que les enfants autochtones ne souffrent pas de la faim pendant la journée.

Les plans d'action nationaux adoptés par le Gouvernement pour 2009-2015 et 2014-2017 ont donné quelques résultats partiels, notamment la construction et l'équipement de salles de classe, la fourniture de matériel pédagogique, l'ouverture et la fourniture de cantines scolaires, la sensibilisation et la mobilisation des parents et communautés autochtones et la promotion d'approches pédagogiques novatrices visant à attirer et retenir les enfants autochtones dans les écoles. Toutefois, la réalité actuelle sur le terrain reste nettement insuffisante.

Huit ans après l'adoption de la loi no 5-2011, l'analphabétisme reste largement répandu dans les communautés autochtones, y compris dans les Sangha, comme j'en ai été le témoin direct. Le FNUAP signale que 65 % des enfants autochtones âgés de 12 à 16 ans ne vont pas à l'école, contre 39 % en moyenne au niveau national. Les communautés autochtones et les représentants que j'ai interrogés ont cité le manque de moyens financiers comme la principale raison de l'interruption de la fréquentation et des progrès scolaires. Par nécessité, les enseignants sont souvent recrutés grâce à la contribution des parents, ce que la plupart des familles autochtones ne peuvent se permettre. Le matériel scolaire et les uniformes pour un seul enfant peuvent représenter plusieurs semaines de travail. Le Ministre de l'éducation m'a confirmé que les écoles publiques n'ont pas assez d'enseignants rémunérés pour le nombre d'élèves qu'elles sont censées servir, mais il m'a assuré que des directives ont été données aux directeurs d'école pour faire en sorte que de telles contributions ne soient pas demandées pour les enfants autochtones. Il a reconnu que ces directives pourraient ne pas être suivies par certains établissements.

Des membres du Sénat et de l'Assemblée nationale m'ont dit qu'ils soutenaient le fonctionnement des écoles de leur district d'origine à titre personnel. Les écoles ORA ("Observer, Réfléchir et Agir"), réservées spécifiquement aux enfants autochtones et financées par des bailleurs internationaux, sont en pratique la seule forme d'enseignement gratuit existant dans le pays. De telles initiatives sont bien sûr les bienvenues ; cependant, l'obligation de faire en sorte que l'enseignement primaire soit gratuit pour tous et que l'enseignement secondaire soit disponible et accessible à tous les enfants, que ce soit par la gratuité de l'enseignement ou par une aide financière en cas de besoin, est une responsabilité de l'État, et il apparaît que la République du Congo a encore beaucoup à faire pour remplir cette obligation.

A Kabo, j'ai visité une école ORA fréquentée par quelque 140 enfants autochtones, sous la responsabilité de trois enseignantes non autochtones. Les enseignantes ont affirmé qu'elles adaptaient leurs programmes aux rythme des enfants autochtones. Les enseignantes m'ont informé qu'elles recevaient environ 60 000 francs CFA par mois (environ 100 USD), mais que les paiements étaient en retard de plus de 4 mois, et qu'elles ne sont pas payées pendant les trois mois de vacances scolaires. J'ai été surprise d'apprendre que tout le matériel pédagogique mis à la disposition de cette école ORA était exclusivement en français, étant donné que ce n'est pas la langue maternelle des enfants autochtones et que, selon les enseignants, les capacités en français des enfants de troisième année restaient très rudimentaires.

A cet égard, je rappelle que les normes internationales, y compris la Déclaration des Nations Unies sur les Peuples Autochtones, prévoient le droit des enfants autochtones à recevoir un enseignement dans leur propre langue. En particulier au cours des premières années de l'école, il s'est avéré que l’enseignement dans la langue maternelle améliorait considérablement les résultats scolaires et augmentait la probabilité qu'un enfant poursuive des études supérieures. L'adaptation culturelle des systèmes scolaires aux enfants autochtones pourrait également jouer un rôle important, par exemple à travers l'incorporation de méthodes d'enseignement autochtones et l'adaptation du programme d'études au calendrier des récoltes forestières. Inviter des aîné(e)s autochtones à prendre la parole pendant les cours des enfants peut à la fois maintenir l'engagement des enfants et assurer le transfert des connaissances et des langues traditionnelles d'une génération à l'autre.

Les communautés Ngomba et Sembola que j'ai visitées à Pokola ont demandé un soutien pour prévenir l'abandon scolaire, et des représentants autochtones d’autres départements ont soulevé la question. La moquerie et la discrimination à l'égard des enfants autochtones à l'école, ainsi que le manque de motivation dû à un programme scolaire qui n'est pas en rapport avec leur culture, et la discrimination systémique plus large qui donne peu de chances aux enfants de réussir dans la société, contribuent tous au décrochage scolaire.

Certaines organisations de la société civile et plusieurs ministres se sont inquiétés du fait que les écoles ORA sont exclusivement réservées aux enfants autochtones, ce qui pourrait favoriser une forme de ségrégation. Les agences de l'ONU ont également mis en évidence des tensions croissantes à Likouala entre les communautés autochtones et les communautés bantoues les plus démunies au sujet des écoles de l'ORA. Toutefois, la solution à ces tensions ne doit pas consister à refuser aux enfants autochtones l'accès à une éducation gratuite et de qualité adaptée à leurs besoins, mais plutôt à faire en sorte que le gouvernement veille rapidement à ce que tous les enfants et toutes les communautés du pays aient accès à une éducation de qualité et également accessible, conformément à ses obligations découlant du droit international des droits de l’homme. Compte tenu des divergences d'opinion au sein du gouvernement concernant le rôle des écoles ORA, je voudrais encourager une évaluation et une analyse approfondies des mérites et des défis de l'intégration des écoles ORA dans le système public national.

Le Ministre de l'enseignement primaire et secondaire et de l'alphabétisation a nié toute forme de discrimination dans les écoles publiques congolaises. Les statistiques de son ministère1 révèlent toutefois que les adolescents autochtones représentent 0,05 % des élèves du premier cycle du secondaire et 0,008 % des élèves du secondaire, et soulignent que les filles autochtones sont particulièrement exclues de l'éducation. Le Ministre a fourni une copie du décret sur l'accès des enfants autochtones à l'éducation, qui prévoit la gratuité des uniformes scolaires et autres fournitures scolaires, et m'a informé qu'il avait demandé à tous les directeurs d'école de veiller à ce que les peuples autochtones soient exemptés de la contribution aux salaires des enseignants et à accepter des enfants autochtones même sans uniforme.

Santé

En ce qui concerne le droit d'accès aux services de santé, le titre V de la loi no 5-2011 énonce des garanties importantes pour l'accès des peuples autochtones aux soins de santé. L'adoption en juillet 2019 du décret d'application, qui prévoit des mesures spéciales pour faciliter l'accès des peuples autochtones aux soins de santé et protéger leur médecine traditionnelle, est une première étape cruciale vers la mise en œuvre de ces garanties. L'article 11 du décret fait obligation aux établissements de santé de fournir gratuitement des soins de santé aux membres des communautés autochtones démunies. Elle prévoit également la protection de la médecine traditionnelle des peuples autochtones.

Le Plan d'action national n’a pas de stratégie spécifique pour améliorer l'accès des peuples autochtones aux soins de santé, et le gouvernement soutient que l'élaboration de mesures spécifiques en faveur d'un groupe ethnique particulier serait contraire aux principes de la santé publique.

Les peuples autochtones que j'ai rencontrés dans le nord du pays ont tous soulevé le manque d'accès aux soins de santé comme une préoccupation majeure. Au cours de ma visite dans le département de la Sangha, j'ai observé ce qui m'a semblé être une abdication de la part de l'État de sa responsabilité en matière d’accès aux soins de santé adéquats, tant pour les peuples autochtones que pour d'autres dans le département. Par exemple, les cliniques médicales de Pokola et de Kabo sont entièrement gérées par la compagnie forestière CIB, dans le cadre de ses obligations de certification FSC et offrent dans sa clinique de Pokola, des consultations gratuites pour les Bantous et les populations autochtones. En visitant par une journée de fortes pluies l'hôpital de base d'Ouesso, le principal hôpital de référence du département, j'ai été témoin de l'inondation complète des salles, du manque d'eau courante, du manque de toilettes dans toutes les salles sauf la maternité et de l'absence de matériel fonctionnel pour la stérilisation ou autres besoins. A l'hôpital, seuls trois membres du personnel médical, dont la directrice, sont payés régulièrement. La Directrice m'a assuré que les autochtones viennent à l'hôpital et y sont soignés gratuitement, mais cela a été contredit par certains des témoignages que j'ai entendus de personnes autochtones vivant à proximité de Ouesso.

Des habitants autochtones des localités de Djaka et Peke m'ont informée qu'en plus du coût prohibitif des consultations médicales et de la rareté des centres de santé, ils souffraient également de stigmatisation et de discrimination dans les centres de santé gérés par les Bantous. Entre autres choses, les femmes autochtones ont expliqué comment elles étaient qualifiées de " sales " lorsqu'elles arrivaient à l'hôpital.

En raison de ces facteurs, les peuples autochtones continuent de dépendre de leur médecine traditionnelle, mais en même temps, leur exposition à d'autres groupes de population a accru leur vulnérabilité aux maladies et infections modernes que leurs méthodes traditionnelles ne sont pas capables de traiter efficacement. J'ai été choquée d'apprendre à quel point les peuples autochtones souffrent de maladies telles que la lèpre, la tuberculose, le paludisme et le pian. La malnutrition est également une réalité pour les enfants autochtones.

Malheureusement, on ne m'a pas communiqué de statistiques gouvernementales sur l'expérience des peuples autochtones dans le système de santé. De telles statistiques sont nécessaires pour avoir une image complète de la réalité. Bien que de nombreuses améliorations peuvent être apportées immédiatement, le gouvernement doit recueillir et diffuser ces données dans le cadre de la conception de mesures efficaces visant à redresser la situation générale des services de santé.

Le Ministre de la Santé et du Genre a reconnu la situation difficile de l'hôpital d'Ouesso, mais aussi de nombreux hôpitaux à travers le Congo. Elle m'a dit qu'elle espérait qu'un projet consacré à l'accès aux soins de santé maternelle dans les départements de la Sangha et de la Lekoumou commencerait bientôt, pour inclure la rénovation des principaux hôpitaux, notamment celui de Ouesso. Elle a également évoqué les efforts visant à recruter des peuples autochtones parmi le personnel de santé, notamment des sages-femmes traditionnelles, afin d'améliorer l'expérience des peuples autochtones dans le système de santé.

Le Ministre de la santé m'a également informée que la médecine traditionnelle autochtone était une composante du système national de santé et qu'une stratégie nationale de promotion de la médecine traditionnelle était en vigueur au Congo, basée sur l'identification de près de 5 000 plantes et la promotion de concoctions à base de plantes médicinales.

Accès aux terres et aux ressources:

Les droits des peuples autochtones sur leurs terres, territoires et ressources ne sont toujours pas respectés et protégés bien que la loi no 5-2011 reconnaisse que les peuples autochtones, collectivement et individuellement, ont le droit de posséder, accéder et utiliser les terres et ressources naturelles qu'ils utilisent traditionnellement pour leur subsistance, leur pharmacopée et leur travail (article 31). Cette loi oblige l'État à faciliter la délimitation de ces terres sur la base des droits coutumiers autochtones et à garantir la reconnaissance juridique du titre de propriété conformément aux droits coutumiers, même dans les cas où les peuples autochtones ne possèdent pas de titre officiel (art. 32).

Au cours de mes visites sur le terrain, les peuples autochtones m'ont informé qu'ils n'avaient pas encore reçu de titres fonciers. Cela a été confirmé par des responsables gouvernementaux et des représentants d'organisations de la société civile. En outre, les terres que les peuples autochtones utilisent et occupent sont livrées sous forme de concessions à des sociétés forestières ou déclarées réserves forestières, parcs nationaux ou zones de conservation. Les peuples autochtones ont déclaré que l'expansion des communautés bantoues sur leurs terres traditionnelles les a forcés à abandonner leurs terres et à se sédentariser en marge des villages bantous ou à s'enfoncer plus profondément dans la forêt, dont une grande partie a été attribuée aux sociétés forestières sous forme de concessions.

La restriction de leur accès aux territoires qu'ils utilisent pour leurs activités traditionnelles de chasse et de cueillette s'est aggravée au fil du temps parce que ces territoires ont été attribués à des sociétés forestières et déclarés zones de conservation ou réserves forestières. J'ai parlé à plusieurs autochtones qui m'ont dit avoir été victimes de violences de la part des éco-gardes et de la police et plusieurs parmi leurs communautés ont été arrêtés et mis en prison pour braconnage, même s'ils chassent des animaux qui ne sont pas protégés.

Les peuples autochtones que j’ai rencontrés lors de ma visite ont tous évoqué le problème de l'insécurité foncière des terres qu'ils occupent ou utilisent pour leurs activités culturelles et leurs moyens de subsistance traditionnels.

Mon prédécesseur a déclaré que la reconnaissance et la protection des droits fonciers autochtones vont au-delà des dispositions des codes foncier et forestier actuels. Il a donc recommandé que le gouvernement " élabore et mette pleinement en œuvre une nouvelle procédure de délimitation et d'enregistrement des terres conformément aux droits coutumiers et fonciers des peuples autochtones et de nouveaux mécanismes pour identifier et garantir des droits spécifiques sur les ressources naturelles ". Celles-ci devraient être élaborées en consultation avec les peuples autochtones et bénéficier d'un financement substantiel, d'une expertise technique et d'un personnel spécialisé. Cette recommandation n'a pas été mise en œuvre, alors j'exhorte le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour la réaliser. Comme le Plan d'action national (2019-2023) ne fait aucune mention précise des mesures visant à reconnaître et à protéger les droits des peuples autochtones sur leurs terres et leurs ressources, je demande au gouvernement de modifier ce plan afin d'inclure la reconnaissance des droits fonciers autochtones comme une priorité. Il est également nécessaire d'harmoniser les lois sur les terres, les forêts et les aires protégées afin qu'elles soient alignées sur la loi no 5-2011.

Femmes et filles autochtones

J'ai tenu des réunions séparées avec des femmes autochtones qui m’ont expliqué leur situation et celle des jeunes filles autochtones. Parmi les problèmes soulevés figurent le manque d'accès aux soins de santé sexuelle et reproductive, les violences sexuelles, les mariages précoces, les taux élevés de mortalité maternelle et infantile et l'insécurité alimentaire. Comme il n'y a généralement pas d'installations pour l’approvisionnement en eau dans leurs communautés, cela augmente encore leur fardeau à chercher de l'eau et à prendre soin des enfants qui tombent malades par manque d'eau potable.

Plusieurs d'entre elles ont parlé de la façon dont les hommes bantous abandonnent les jeunes filles autochtones enceintes sans soutien. Les services de soins de santé devraient être plus accessibles et conçus de manière à être plus sensibles aux différences entre les sexes et aux différences culturelles. Elles ont également demandé que le gouvernement réalise d’avantage de forages pour qu'elles puissent avoir accès à l'eau. Leur connaissance des plantes médicinales traditionnelles devraient également être encouragée et mise en valeur.

Les femmes autochtones m'ont dit que la plupart d’entre elles accouchent à la maison, soit par choix, soit du fait de la distance à parcourir pour se rendre à l'hôpital le plus proche. J'ai rencontré deux femmes autochtones de Ngatongo qui m'ont dit qu'elles avaient perdu chacune un enfant après un accouchement à domicile à cause d'une infection causée par l'utilisation d'instruments sales par une sage-femme communautaire. Le FNUAP signale que 99,8 % des femmes autochtones accouchent à la maison ou en forêt, et 65 % accouchent sans consultation prénatale préalable.

Emploi et activités génératrices de revenus

Le manque d'accès à l'emploi a été évoqué à plusieurs reprises par les communautés que j'ai visitées, qui ont spécifiquement exprimé le souhait, par exemple, de travailler pour la compagnie forestière CIB ou le parc national Nouabalé-Ndoki géré par la Wildlife Conservation Society. La CIB et la WCS ont cité les niveaux élevés d'analphabétisme, le manque de qualifications et le mode de vie semi-nomade des peuples autochtones du Nord du Congo comme des obstacles majeurs au recrutement de leurs employés parmi les peuples autochtones. En même temps, la CIB et la WCS ont affirmé qu'elles recherchent activement les peuples autochtones pour des rôles précis qui mettent en valeur leur connaissances traditionnelles, tels que les traqueurs d'animaux pour amener les touristes à la faune, ou en tant que spécialistes des arbres au sein de la compagnie forestière. J'ai également rencontré des autochtones engagés comme " communicateurs " pour des activités de sensibilisation et de consultation auprès des communautés autochtones. Le gouvernement devrait, en consultation avec les communautés et le secteur privé, mettre en place des formations professionnalisantes pour doter les peuples autochtones des compétences et des connaissances nécessaires pour leur permettre d'accéder plus facilement à d'autres emplois dans les secteurs privé et public. Les employeurs devraient également, en consultation avec les communautés et avec l'appui du gouvernement, s'efforcer d'adapter l'environnement et les conditions de travail aux particularités sociales, culturelles et économiques des peuples autochtones locaux.

Mon prédécesseur a observé une tendance à l'exploitation socioéconomique des peuples autochtones par les populations bantoues. Les informations reçues au cours de cette visite indiquent que cette dynamique se maintient malheureusement dans certaines zones des départements de la Sangha et de la Likouala. Il m'a été rapporté que dans certaines zones, les peuples autochtones continuent d'être considérés comme la propriété de familles bantoues plus aisées. Beaucoup de femmes m’ont fait part que certains Bantous forcent les femmes autochtones à travailler dans les champs dès les premières heures du jour pour 500 à 700 CFA par jour (environ 1 USD par jour).

Dans le cadre de la rétribution des bénéfices de l'exploitation forestière à la population locale, la CIB contribue à un fonds de développement local, géré par un comité de concertation composé de populations locales et autochtones et des autorités locales. Les populations locales, y compris les peuples autochtones, peuvent soumettre des projets visant à établir des activités génératrices de revenus dans la communauté. D'après les informations que j'ai reçues à Pokola, toutefois, les projets proposés par les communautés autochtones, tels que les projets agricoles ou l'élevage caprin, n'ont pas donné de résultats positifs, car cela ne fait pas partie du mode de vie traditionnel des peuples autochtones d'entreprendre de telles activités. Je félicite la décision du Comité de concertation de d'Ouesso de financer le salaire d'un technicien pour chaque projet afin d'accompagner plus étroitement les peuples autochtones et d'assurer le succès de ces entreprises. Je recommande que le Comité concertation envisage de financer des activités génératrices de revenus qui pourraient être mieux adaptées au mode de vie actuel des peuples autochtones, comme la récolte du miel ou la commercialisation des herbes médicinales traditionnelles, ce qui pourrait également contribuer à mettre en valeur leurs compétences et les valoriser auprès des Bantous. A cet égard, la CIB de Pokola a soutenu la formation de guérisseurs traditionnels parmi les peuples autochtones. L'accès des femmes autochtones à un salaire et à des conditions de travail décents devrait également être pris en compte dans ces projets afin de promouvoir leur autonomisation.

Accès à la justice

En dépit du cadre juridique impressionnant pour la protection de leurs droits, j'ai constaté que, dans la pratique, les peuples autochtones ont actuellement le sentiment qu'ils n'ont nulle part vers qui se tourner pour obtenir un recours effectif et réparation lorsque leurs droits sont bafoués. C'est particulièrement vrai pour les femmes autochtones qui ont été violées ou abandonnées avec des enfants par des hommes bantous.

Les communautés que j'ai interrogées m'ont indiqué que les autorités ont tendance à ignorer leurs plaintes et qu'elles sont donc laissées à elles-mêmes pour tenter de résoudre les violations de leurs droits. Dans le cadre du parc national et des mesures de conservation, les peuples autochtones sont régulièrement arrêtés par des éco-gardes pour braconnage. La société civile m'a informé qu'un nombre disproportionné de détenus de la prison d'Ouesso sont autochtones, arrêtés pour leurs activités de chasse et de récolte. En outre, on m'a dit que les autochtones détenus souffraient de malnutrition grave, leurs familles ne se trouvant pas à proximité de la ville pour leur apporter de la nourriture et les autorités ne fournissant apparemment pas de repas malgré les responsabilités de l'État en la matière.

La Wildlife Conservation Society m'a informée qu'elle dispose de mécanismes de plainte pour traiter les abus potentiels des éco-gardes à l'égard des communautés forestières, et que cela a conduit à la suspension et à la remise de plusieurs éco-gardes au système judiciaire congolais. En outre, ils ont déclaré qu'étant donné les mauvaises conditions de détention dans le système congolais, ils assurent également le suivi des anciens employés détenus afin d'assurer leur traitement décent.

Si ces mécanismes fonctionnent effectivement de la manière décrite, ils contribuent dans une certaine mesure à atténuer certains des torts subis par les peuples autochtones à cet égard. Toutefois, la situation générale en matière d'accès à la justice qui m'a été présentée par l'ensemble des personnes que j'ai rencontrées semble incompatible avec les responsabilités de l'État à l'égard des peuples autochtones en vertu de la Déclaration et des autres normes internationales, ainsi que de la Constitution et de la législation congolaises. En vertu de la Déclaration et d'autres normes internationales, les peuples autochtones ont droit à des mécanismes de recours et de réparation appropriés en cas de violation de leurs droits. En outre, toute mesure de conservation de la faune et de la flore sauvages et de l'environnement naturel doit être élaborée et mise en œuvre en consultation avec les peuples autochtones touchés et conçue de manière à ne pas les priver de la sécurité de la jouissance de leurs propres moyens de subsistance et de développement, ni à entraver le libre exercice de toutes leurs activités économiques traditionnelles et autres.

Participation

Je reconnais que le gouvernement a fait des efforts pour améliorer l'engagement et la participation des peuples autochtones au niveau national. J'ai été informée que deux femmes d'ascendance autochtone ont occupé divers postes au sein du gouvernement ; toutefois, ces cas demeurent relativement isolés et, à ma connaissance, ne se situent pas à un niveau élevé dans le gouvernement.

En dehors des structures officielles du gouvernement exécutif, j'ai rencontré une commissaire autochtone de la Commission nationale des droits de l'homme, ainsi qu'une femme autochtones membre du Secrétariat du Conseil consultatif des femmes. Le gouvernement m'a également informée que le Conseil de la jeunesse comptait un certain nombre de membres autochtones. Je trouve toutefois regrettable que sur les 151 députés de l'Assemblée nationale, aucun autochtone n'ait jamais été élu à l'Assemblée nationale, même dans le département de la Likouala, qui a la plus forte concentration de populations autochtones (31%).

Le gouvernement m'a assuré que des bourses d'études universitaires sont automatiquement accordées aux enfants autochtones qui réussissent leurs examens nationaux. Cependant, on ne m'a pas fourni d'information sur le nombre de bourses de ce genre qui ont été accordées ces dernières années. En outre, j'ai reçu des allégations selon lesquelles les autochtones qui ont réussi à obtenir des postes au sein de l'administration nationale auraient tendance à être des enfants adoptés et élevés par des familles bantoues qui, en raison des disparités économiques et autres qui existent depuis des années au Congo, ont déjà bénéficié de conditions plus favorables en grandissant.

Le faible niveau d'éducation des communautés autochtones contribue aux difficultés qu'elles rencontrent pour faire entendre leur voix à tous les niveaux de la société. Même au niveau local, comme je l'ai déjà mentionné au sujet de l'accès à la justice, les peuples autochtones ont le sentiment que leurs opinions et leurs problèmes n'ont que peu ou pas de poids. J'espère qu'à l'issue de ma visite, le Gouvernement sera en mesure de fournir des statistiques sur le nombre d'autochtones élus à des fonctions municipales.

L'adoption prochaine par le Gouvernement d'un décret qui faciliterait la reconnaissance des hameaux des communautés autochtones, jusqu’à présent soumis à l’administration village bantous, en tant que village autonome reconnu par l’Etat pourrait être une évolution positive. J'exhorte le gouvernement à avancer rapidement dans l'adoption de ce décret, tout en veillant à ce que les peuples autochtones de tout le pays soient dûment consultés pour régler la question des villages qui pour certains ne peuvent être occupés que quelques mois dans l’année, et des possibilités de reconnaître les structures gouvernementales des peuples autochtones même lorsqu'ils sont en déplacement. Ces réflexions ne sauraient cependant retarder la reconnaissance des hameaux autochtones complètement sédentarisés. J'espère que l'adoption de ce décret contribuera à accroître l'autonomie des communautés autochtones et fournira un levier supplémentaire pour contrecarrer la dynamique d'exploitation ou de domination de certaines parties de la communauté bantoue, qu'elles souhaitent maintenir leur mode de vie semi-nomade ou s'établir dans des modes d'établissement plus semblables à ceux du reste de la population.

Je suis découragée par le manque de sensibilisation des peuples autochtones à leurs droits en vertu du droit international, de la Constitution et de la législation nationale. Dans au moins trois des communautés que j'ai visitées ou dont j’ai consulté les représentants, personne ne connaissait l'existence de la loi no 5-2011 sur les droits des peuples autochtones. Mis à part les initiatives sporadiques des organisations de la société civile, je n'ai vu aucune preuve d'une campagne nationale pour sensibiliser les peuples autochtones à leurs droits, à la manière de les exercer et à la manière d'obtenir réparation en cas de violations de ces droits.

Le Réseau national pour la promotion des peuples autochtones (RENAPAC), basé à Brazzaville, a travaillé avec le gouvernement à l'élaboration des plans d'action nationaux, mais il semble actuellement souffrir d'un manque de financement pour mener des activités en dehors de Brazzaville et d'un conflit interne de leadership qui pourrait lui-même dissuader les bailleurs potentiels. J'exhorte les membres et les dirigeants du RENAPAC à mettre de côté leurs différences personnelles et à unir leurs efforts pour plaider efficacement en faveur de la protection concrète et de la réalisation des droits des peuples autochtones dans tout le pays. J'exhorte également la communauté internationale à appuyer le renforcement des capacités de ce réseau.

Enregistrement à l’état civil:

Je tiens à féliciter le gouvernement pour les efforts concrets qu'il déploie afin que les peuples autochtones soient inscrits à l'état civil. On m’a informée qu’à ce jour, seules 35 % des populations autochtones avaient des documents civils contre 95% pour la population en général. Je salue donc l'adoption, en juillet 2019, du décret prévoyant des mesures spéciales pour faciliter l'octroi de pièces d’état civil aux peuples autochtones. Le décret stipule que cette documentation doit être accordée gratuitement. Le Ministère de la justice, des droits humains et des peuples autochtones a pris un arrêté complémentaire pour faciliter l'enregistrement tardif des naissances gratuitement et sans frais d'amende.

Le gouvernement m'a informée que l'enregistrement à l'état civil des peuples autochtones était devenu une priorité, en particulier pour cinq préfets nouvellement nommés et déployés dans les départements. Lors de ma visite de la Sangha, on m'a présenté des statistiques sur les actes de naissance des peuples autochtones ainsi que les registres d'état civil tenus par le préfet et la sous-préfet du département.

J'ai été informée que le gouvernement est sur le point de lancer un recensement national, afin de mettre à jour le dernier recensement qui a eu lieu en 2007, et que le Ministère de la justice, des droits de l'homme et des peuples autochtones doit recueillir des données sur le nombre et la cartographie des populations autochtones. Afin d'assurer la prise en compte effective des peuples autochtones, je relaie ici-même la recommandation formulée par Madame la Sous-Préfet de Kabo, à savoir que le recensement soit effectué pendant la saison des pluies, lorsque les peuples autochtones seront présents dans le village pour quelques mois.

Conclusion

Je remercie et salue les efforts déployés par la République du Congo pour faire adopter la loi no 5-2011 sur la promotion des peuples autochtones, les décrets d'application et les divers plans d'action nationaux en faveur des peuples autochtones. Je suis toutefois profondément préoccupée par le manque de mise en œuvre de cette loi et des recommandations de mon prédécesseur, James Anaya, après sa visite de 2010. Les représentants du gouvernement m'ont assuré à plusieurs reprises que la volonté politique d'appliquer la loi était forte, mais que les ressources faisaient défaut. Je crois qu'avoir la volonté politique inclut la volonté de donner la priorité à l'allocation budgétaire pour mettre en œuvre la loi et obtenir les ressources nécessaires.

Je réitère les conclusions et recommandations de mon prédécesseur. Il a dit que la discrimination profonde, systémique et profondément enracinée à l'égard des peuples autochtones exigeait un large engagement de la société afin de favoriser un sentiment de compréhension et de respect parmi tous les citoyens congolais. Pour relever ce défi, il faut des efforts coordonnés et concertés appuyés par des ressources importantes et un large éventail d'acteurs, notamment le gouvernement, les organisations de la société civile, les organismes des Nations Unies, les autres partenaires du développement et les peuples autochtones eux-mêmes.

Les peuples autochtones ne doivent pas être considérés comme des fardeaux ou des obstacles au développement et comme des peuples arriérés et primitifs. Ils devraient être considérés comme des êtres humains qui ont la dignité et les mêmes droits que toutes les autres personnes. De plus, ils jouent un rôle d’une grande importance dans la sauvegarde et la protection de la biodiversité et des forêts. Ils sont une référence à travers leurs connaissances traditionnelles en matière de gestion des ressources naturelles, d'atténuation des changements climatiques et de médecines naturelles et traditionnelles, et ils améliorent la diversité culturelle et linguistique de nos pays.

[FIN]

Mme Victoria Tauli Corpuz (Philippines) a été nommée Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones en 2014 par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, pour une période initiale de trois ans. En tant que Rapporteuse spéciale, elle est indépendante de tout gouvernement ou organisation et sert à titre individuel. Elle est une activiste autochtone issue du peuple Kankana-ey Igorot de la région de la Cordillère aux Philippines et est l’ancienne présidente du Forum permanent des Nations Unies sur les questions autochtones (2005-2010). Elle a participé activement à la rédaction et à l'adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en 2007.

Les Rapporteurs spéciaux font partie de ce que l’on appelle les Procédures Spéciales du Conseil des droits de l'Homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d'experts indépendants du système des droits de l'homme de l'ONU, représentent un ensemble de mécanismes d’enquête et de suivi indépendants établis par le Conseil des droits de l’Homme et qui traitent soit de situations nationales spécifiques soit de questions thématiques au niveau mondial. Les experts des procédures spéciales travaillent sur la base du volontariat ; ils ne font pas partie du personnel de l'ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisme et siègent à titre personnel.