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Que dit le droit international à propos des grâces pour les auteurs de crimes de guerre ? Explications du CICR

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ICRC
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Aux États-Unis, la question des grâces accordées à des personnes accusées de crimes de guerre ou condamnées pour de tels crimes fait actuellement l'objet de vifs débats. L'occasion pour le CICR de faire le point sur ce que dit le droit à cet égard.

Que sont les grâces ?

Les grâces peuvent être accordées à des personnes reconnues coupables d'un crime. Lorsqu'elles sont utilisées judicieusement, elles constituent un instrument important et légitime de tout système juridique.

Les grâces sont aussi parfois controversées, et il est important que la procédure d'octroi mette en balance les intérêts de la personne accusée ou condamnée et ceux de la justice et, plus largement, de la société. Ces intérêts plus larges concernent par exemple la nécessité que les responsables répondent de leurs actes et que les victimes puissent constater que la justice a été rendue.

Dans le cas de conflits armés, il peut être nécessaire de considérer d'autres facteurs, par exemple les effets potentiels des grâces sur la discipline militaire ou sur la réputation et la sécurité d'un pays lorsque les violations du droit international humanitaire (DIH) ne sont pas traitées, ou sont perçues comme n'étant pas traitées, avec suffisamment de sérieux. L'octroi de grâces risque aussi de dissuader d'autres personnes de signaler des violations, ce qui peut contribuer à un climat d'impunité.

Grâce et amnistie

Les grâces sont des mesures de clémence qui émanent de l’exécutif d’un pays (généralement de son président ou de son premier ministre) et qui permettent de révoquer une peine et de rétablir les droits civiques d’une personne, sans pour autant effacer la condamnation prononcée.

Les amnisties sont des actes relevant du pouvoir législatif ou exécutif, qui empêchent d’enquêter sur une personne ou plus souvent un groupe de personnes, ou d’engager des poursuites pénales à leur encontre, souvent en lien avec des actes commis au cours d’un conflit armé. L’amnistie annule généralement toutes les peines préalablement prononcées.

Dans certains pays, la distinction entre les deux procédures n’est pas très claire, et il arrive dans certains cas que des individus ou des groupes de personnes soient « graciés » avant d’être jugés. De manière générale, les grâces accordées après une condamnation s’apparentent davantage à des mesures de clémence qu’à des amnisties.

Le DIH n’aborde pas la question des grâces sous cet angle, c’est-à-dire après une condamnation.

Ce corps de droit comporte néanmoins des règles sur l’octroi et le champ d’application des amnisties. Il impose aux États/gouvernements d’enquêter sur les crimes de guerre (également qualifiés d’« infractions graves au DIH ») et de les punir.

En outre, les États ne peuvent pas accorder d’amnisties pour des crimes de guerre, notamment les meurtres, les actes de torture et de violence sexuelle, les attaques contre des civils, ainsi que divers autres crimes commis dans le cadre d’un conflit armé.

Les États peuvent adopter, pendant et après un conflit, des mesures visant à encourager la réconciliation et le rétablissement de la paix, dont l’amnistie, par le biais d’accords spéciaux, de lois ou d’autres mesures.

Ces mesures peuvent s’avérer utiles pour aider les communautés et les nations à panser les plaies causées par la guerre et permettre aux sociétés d’aller de l’avant.

De fait, le Protocole II additionnel aux Conventions de Genève (relatif aux conflits armés non internationaux, c’est-à-dire aux guerres qui impliquent au moins un groupe armé non étatique et se déroulent généralement sur le territoire d’un pays donné) prévoit qu’à la cessation des hostilités, les autorités au pouvoir doivent s’efforcer d’accorder la plus large amnistie possible.

Une exception notable

Toutefois, et il convient de le relever, le DIH coutumier exclut du bénéfice de l’amnistie les personnes soupçonnées ou accusées de crimes de guerre, ou condamnées pour de tels crimes (le DIH coutumier est un ensemble de règles qui découlent d’une « pratique générale acceptée comme étant le droit » et qui existent indépendamment du droit conventionnel).

Le droit coutumier est sans équivoque quant au fait que, dans le cadre des conflits armés internationaux (autrement dit des guerres transfrontalières qui opposent des armées ennemies) comme non internationaux, les gouvernements ont l’obligation d’enquêter sur les crimes de guerre qui auraient été commis par leurs ressortissants ou leurs forces armées, ou sur leur territoire et, s’il y a lieu, de poursuivre les suspects.

L’objectif de l’amnistie n’est pas de permettre aux criminels de guerre ou aux personnes suspectées d’avoir commis des violations graves des lois de la guerre d’échapper aux sanctions prévues pour leurs actes.

Le CICR estime que le respect du DIH devrait constituer une priorité pour les États et qu’en cas d’allégations graves étayées par des preuves suffisantes, des procès devraient être intentés afin que les preuves en question puissent être examinées en toute impartialité.

Le rôle du CICR

Organisation humanitaire strictement impartiale, indépendante et neutre, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ne prend pas part aux controverses d’ordre politique. Nous reconnaissons et respectons le droit souverain des gouvernements de prendre des décisions en s’appuyant sur leur législation nationale et leurs lois constitutionnelles, dans le respect du droit international.

Il ne nous appartient pas de nous exprimer publiquement sur le caractère juste ou fondé de l’octroi d’une grâce ou d’une amnistie spécifique. Le cas échéant, nous faisons part aux autorités concernées, de manière bilatérale et confidentielle, de nos préoccupations au sujet de décisions particulières.

Cela étant, les États ont conféré au CICR, au travers des Conventions de Genève et de leurs Protocoles additionnels, le mandat de promouvoir le DIH et d’en être le gardien. Aussi, lorsque des débats ont cours dans la sphère publique sur des questions liées aux lois de la guerre, il est de notre devoir et responsabilité d’attirer l’attention sur ce que dit le DIH.