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Le changement climatique menace l’approvisionnement en eau des réfugiés - voici l’action du HCR pour y remédier

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UNHCR
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A la fois le manque et l’excès d’eau peuvent être difficiles pour les travailleurs humanitaires.

20 litres par personne et par jour - c’est la quantité minimale d’eau que le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a pour objectif de fournir à chaque réfugié vivant dans un camp de réfugiés. Pourtant, dans 43% seulement des camps, le HCR est en mesure d’atteindre ce niveau décisif. Le changement climatique est l’un des principaux facteurs qui rendent, chaque jour, l’approvisionnement en eau des réfugiés de plus en plus difficile.

Comment se comparent 20 litres par personne et par jour ? En moyenne, une personne dans l’Union européenne consomme 128 litres d’eau par jour. Aux États-Unis, ce chiffre s’élève à plus de 300 litres - pour chaque personne, chaque jour.

« L’eau est essentielle pour survivre, mais c’est bien plus encore », explique Eva Barrenberg, employée du HCR en charge de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène (WASH). « Elle est utilisée pour boire et cuisiner - afin que les gens ne tombent pas malades - pour nettoyer et prendre une douche, pour aller aux toilettes, mais aussi pour faire pousser des plantes ou élever des animaux. »

Elle contribue également à restaurer la dignité des réfugiés. « Les gens ne veulent pas sentir mauvais, ils se sentent mal à l’aise. Surtout les femmes, lorsqu’elles ont leurs règles, elles veulent pouvoir se laver elles-mêmes », ajoute Eva Barrenberg.

Le HCR compte 130 employés qui travaillent dans le cadre des programmes WASH - dont seulement 16% sont des femmes. Ils sont répartis dans le monde entier, tant dans les camps qu’en milieu urbain. Leur travail consiste à donner accès aux réfugiés à l’eau potable, mais aussi à ce que les maladies transmises par l’eau comme la diarrhée ou la typhoïde ne se propagent pas et que les besoins essentiels en hygiène soient satisfaits en construisant des infrastructures sanitaires comme des latrines ou des douches.

« Il n’y a pas de plus grande contribution à l’amélioration de la vie et à la survie des gens que l’eau, l’assainissement et l’hygiène », explique Eva Barrenberg, qui est passionnée par son travail. Le travail implique des compétences en ingénierie, mais aussi des connaissances en santé publique et beaucoup de collaboration au niveau social.

Ne pas avoir accès à l’eau met la vie des gens en danger. « Fournir de l’eau n’est pas un acte de charité, mais l’exercice d’un droit humain fondamental », dit-elle. « C’est aussi important que les droits politiques et civils. »

Le changement climatique rend le travail des employés WASH de plus en plus difficile. Parfois, c’est le manque d’eau, comme dans la sécheresse dévastatrice qui frappe la région du bassin du lac Tchad ; d’autres fois, c’est l’excès d’eau, comme les pluies de mousson au Bangladesh. Voici comment le HCR travaille pour relever ces défis.

Camp de Kounougou : Construire la paix en partageant le peu d’eau qui reste

Le lac Tchad est l’un des plus vastes d’Afrique mais, au cours des 50 dernières années, il a perdu 90 pour cent de sa superficie (de 25 000 km² à 2500 km²) et de sa contenance. Pour plus de 50 millions de personnes, les moyens de survie se sont considérablement réduits, conduisant à des déplacements massifs de population.

Au fur et à mesure que le lac s’assèche, les conflits se sont intensifiés dans la région. Depuis 2009, la violence de l’insurrection perpétrée par Boko Haram a forcé plus de 2,5 millions de personnes à quitter leur foyer dans le bassin du lac Tchad.

Dans une région aussi aride, ce grand nombre de personnes exerce une pression supplémentaire sur des ressources disponibles mais déjà rares. « Il y a davantage d’habitants que l’écosystème ne peut en accueillir », explique Eva Barrenberg.

Depuis 2004, des milliers de réfugiés de la région soudanaise du Darfour ont franchi la frontière en quête de sécurité vers l’est du Tchad, une région très aride. Beaucoup d’entre eux ont rejoint le petit village de Kounougou.

Aujourd’hui, 3500 personnes vivent dans ce village, tandis que le camp de réfugiés de Kounougou accueille près de 20 000 réfugiés, principalement d’origine soudanaise. Le HCR ne peut fournir que 14 litres d’eau par personne et par jour dans le camp.

« C’est très difficile parce que des milliers de personnes ici ont soudainement besoin de nourriture et d’eau, mais il n’y a pas assez de ressources locales pour répondre à ces besoins », ajoute Eva Barrenberg.

Le changement climatique agit souvent comme un « multiplicateur de menaces » et cet aspect anxiogène rend le travail de l’aide humanitaire plus difficile.

Bi Tizie Tre est un employé du HCR en charge de l’eau de l’assainissement et de l’hygiène (WASH). Il suit la situation à Kounougou depuis 2014. Pendant la saison sèche (octobre à juin), lorsque les réserves en eau sont descendues au-dessous du niveau d’urgence qui est de 11 litres par personne et par jour, le HCR a dû compter sur des camions pour approvisionner suffisamment d’eau et assurer la survie des résidents des camps de la région.

« Parfois, nous devons transporter de l’eau avec des camions pendant un mois sans arrêt pour atteindre 11 litres par jour », explique Bi Tizie Tre. « C’est très coûteux. »

Le HCR préfère investir dans des forages pour créer des puits profonds, car c’est une solution plus durable, explique Bi Tizie Tre. Même s’il s’agit d’un investissement important avec un certain risque - en général, un forage sur trois seulement permettra de trouver suffisamment d’eau potable – les puits peuvent devenir une source d’eau fiable pendant 20 ans.

Si l’accès à l’eau s’est indéniablement amélioré dans le camp de réfugiés de Kounougou, cela a créé des tensions avec les villageois au fil des ans. Pour y remédier, le HCR a foré quatre puits profonds dans le village entre 2009 et 2010, afin d’assurer que les habitants et les réfugiés en bénéficient.

« La communauté locale apprécie quand le HCR achemine de l’eau potable », dit Bi Tizie Tre. « Cela réduit les tensions et aide à construire une coexistence pacifique. »

Cox’s Bazar : Quand trop d’eau devient aussi un problème

Nous avons tendance à associer le changement climatique à la sécheresse, mais cela implique souvent le contraire. Des quantités massives et incontrôlables de pluie peuvent tuer des gens, détruire des infrastructures et propager des maladies.

Phénomène courant et redouté au Bangladesh, les pluies de mousson sont devenues de plus en plus imprévisibles, agressives et mortelles en raison du changement climatique. En 2018, le pays a connu l'une des saisons de pluies les plus intenses depuis des années, avec des précipitations de plus de 1000 mm chacune en juin et en juillet, ce qui représente plus de la moitié des relevés habituels effectues sur cette période

Dans la région de Cox’s Bazar, où vivent plus de 900 000 réfugiés rohingyas dans 36 localités différentes, plus de 200 000 réfugiés ont été exposés à des glissements de terrain et à des inondations mettant leur vie en danger et 41 000 d’entre eux ont dû être transférés vers des lieux plus en altitude pour leur sécurité.

Du point de vue de l’assainissement, les inondations engendrent un autre grave problème : la contamination de l’eau.

« Les latrines inondées répandent des matières fécales - et donc des infections et des maladies - à travers le camp où déjà, les personnes vivent souvent dans des conditions de promiscuité et, de ce fait, sont davantage sujets aux maladies transmissibles », explique Eva Barrenberg.

Si les eaux usées des latrines ou d’autres provenances s’infiltrent dans les sources d’approvisionnement en eau - forages, puits, aquifères ou eaux de surface comme les rivières ou les barrages - elles peuvent également être contaminées et propager des maladies.

Une solution chimique - ajouter du chlore pour tuer les bactéries et les microbes dans l’eau - était essentielle pour assurer que des maladies comme la diarrhée et la typhoïde ne se propagent pas d’une manière incontrôlable.

« La chloration permet de sauver des vies dans des sites de réfugiés de cette ampleur », explique Minhaj Uddin Ahmed, employé du HCR chargé de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène auprès des réfugiés rohingyas à Cox’s Bazar.

Au Bangladesh, l’équipe WASH s’est également appuyée sur des systèmes de pompage et de distribution d’eau alimentés à l’énergie solaire pour améliorer leur efficacité et assurer qu’ils ne dépendent pas d’autres sources énergétiques.

L’installation des réservoirs hors sol, des panneaux solaires, des puits et des réseaux de canalisations a nécessité beaucoup d’efforts de la part de la communauté qui s’est beaucoup investie dans le projet.

« La communauté s’est montrée très coopérative et a transféré des abris pour nous fournir de l’espace, ce qui nous a permis d’installer les bacs de traitement de l’eau », détaille Minhaj Uddin Ahmed. « Une fois chaque installation terminée, la communauté et les réfugiés nous informent régulièrement sur l’entretien du réseau de canalisations, des robinets et des panneaux solaires, pour éviter les pénuries. »

Dans les camps et installations du HCR à travers le monde, environ 15 pour cent des 300 puits profonds mécanisés sont actuellement équipés de panneaux solaires. L’extension de ces systèmes écologiques est une priorité pour l’Agence, qui encourage les pays d’accueil à inclure les réfugiés dans les communautés existantes. De cette manière, le HCR peut soutenir les services d’eau des villes qui accueillent des réfugiés et tout le monde en bénéficie.

« Si les réfugiés ont le droit de travailler, ils peuvent payer leurs factures d’eau et contribuer à un approvisionnement durable en eau », affirme Eva Barrenberg. « Cela réduit également les risques face aux changements climatiques, car des infrastructures plus développées peuvent mieux appréhender les sécheresses et les inondations. »

Fin 2017, plus de 700 000 Rohingyas ont fui le Myanmar en quelques mois. Pour l’équipe WASH chargée de l’eau, des systèmes d’assainissement et de l’hygiène, assurer l’approvisionnement en eau potable d’un si grand nombre de personnes a été un défi de taille.

« Au début de l’afflux, nous avons pu fournir de l’eau potable aux réfugiés malgré le grand nombre d’arrivées », précise Minhaj Uddin Ahmed. « Si cela n’avait pas été le cas, nous aurions pu assister à de nombreuses épidémies dans les camps. Cela ne s’est pas produit. Nous continuons de fournir de l’eau potable en utilisant des méthodes plus efficaces et en assurant la qualité de l’eau. C’est notre plus grande réalisation et nous en sommes fiers. »

En savoir plus sur le travail du HCR dans le domaine de l’eau, l’assainissement et l’hygiène (WASH).

Écrit par Marta Martinez.