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Interview de Tihana Ceho, responsable du projet ESIRAS

Pays
France
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Sources
Croix-Rouge Française
Date de publication
Origine
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Depuis février 2018, la Croix-Rouge française expérimente un programme pilote visant à faciliter l’inclusion sociale et l’accès à l’emploi des personnes réfugiées en Ile-de-France. Nommé ESIRAS, ce projet est financé par la Commission européenne, en partenariat avec la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Mis en œuvre dans un centre de formation Croix-Rouge situé à Bagnolet (93), il se déploiera jusqu’au 30 juin 2019. La première session de formation doit s’achever fin juillet. Tihana Ceho, responsable du projet, dresse un bilan à date de ce programme humain et ambitieux.

Pouvez-vous nous expliquer plus en détail en quoi consiste le programme ESIRAS ?

ESIRAS est un projet expérimental financé par le programme « Emploi et innovation sociale » de la Commission européenne. Il s’agit d’un dispositif assez rare en France qui consiste à accompagner les personnes réfugiées pour les aider à accéder au marché de l’emploi et à construire un véritable projet de vie. Le programme est basé sur l’apprentissage intensif du français. Il comprend également un volet social et juridique (aide aux démarches administratives, compréhension du droit du travail) ainsi que des ateliers thématiques visant, par exemple, à apprendre aux élèves à rédiger leur CV, à se familiariser avec les outils informatiques ou encore à s’informer sur des secteurs professionnels spécifiques. Nous proposons aussi des activités socio-culturelles – sorties, visites de monuments historiques, art-thérapie, danse, etc. Organisées par des bénévoles et volontaires en service civique, elles permettent aux élèves de s’exprimer autrement.

Actuellement, les participants que nous accompagnons viennent d’Afghanistan, d’Ukraine, du Soudan, du Tibet ou encore d’Erythrée. Ce sont des femmes et des hommes qui ont récemment obtenu le statut de réfugié ou la protection subsidiaire. Ils ont été sélectionnés au sein des structures gérées par notre association ou ses partenaires en Ile-de-France.

A leur arrivée, les futurs élèves sont reçus en entretien individuel, pour que nous comprenions bien leur objectif professionnel et que nous les accompagnions vraiment en fonction de leurs besoins – c’est d’ailleurs ce qui fait toute l’originalité du dispositif.

Quel bilan faites-vous de la première session de formation qui s’achèvera dans quelques jours ?

Cette première session a duré 5 mois et a concerné 40 élèves que nous avons répartis en deux groupes, en fonction de leur niveau de français. Avec les débutants, nous nous sommes concentrés pendant les deux premiers mois sur un apprentissage intensif du français, à raison de 6 heures de cours de Français langue étrangère (FLE) quotidiens. La maîtrise de la langue française nous semble vraiment primordiale car elle est la condition sine qua non de leur accès à une formation ou un emploi. Pour les plus avancés, nous avons combiné cet apprentissage du français avec un accompagnement professionnel réalisé par un conseiller en insertion professionnelle.

Au fil des mois, ce qui a vraiment frappé l’équipe, c’est l’implication des élèves. Nous sommes chaque jour surpris par leur envie et leur capacité d’apprendre. Leur motivation pour s’en sortir est très forte. Les participants se sont approprié le projet, ce qui est très encourageant pour nous, et il y a déjà des parcours prometteurs. Je pense notamment à un jeune Soudanais, qui vient de débuter son service civique et qui fera ensuite une formation de développeur web ; ou encore à ce jeune Ukrainien qui a effectué un stage avec les infirmiers d’un institut médico-éducatif (IME) parce qu’il souhaite suivre une formation d’aide-soignant et peut-être devenir plus tard infirmier.

Et demain, quel déploiement envisagez-vous ?

A la fin de l’expérimentation en juin 2019, nous aurons mené à bien 3 sessions de formation et formé 120 élèves. Mais les besoins de ces populations extrêmement fragilisées restent énormes en matière d’insertion sociale et professionnelle. Notre ambition est donc de pérenniser et développer ce projet dans d’autres régions que l’Ile-de-France.

Aujourd’hui, nous souhaitons renforcer les synergies avec nos partenaires institutionnels et privés, et plus particulièrement avec les acteurs de l’insertion professionnelle – entreprises, centres de formation, agences Pôle emploi, missions locales… Nous sommes à la recherche d’entreprises partenaires pour organiser des accueils en immersion ou des stages découverte à destination de nos élèves. Le chantier d’insertion est aussi une voie privilégiée car c’est un dispositif qui donne le temps aux personnes de se former, tout en continuant, en parallèle, à apprendre le français sur une longue durée.

Nous voulons également renforcer nos équipes bénévoles pour animer les ateliers, participer aux sorties et accompagner les élèves lors des différentes prises de rendez-vous avec la CAF, Pôle emploi, etc.

Ces femmes et ces hommes souhaitent pleinement faire partie de notre société, mettre à profit leurs compétences, se former, travailler. Il est de notre devoir ainsi que de celui de l’ensemble de nos partenaires d’améliorer les conditions dans lesquelles nous les accueillons.