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Retour d'une mission de la FIDH dans les camps de réfugiés soudanais à l'Est du Tchad

Countries
Chad
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Sources
FIDH
Publication date

Urgence d'une protection internationale effective pour les populations civiles soudanaises et tchadiennes

Paris, Karthoum, Le Caire, Ouagadougou, N'Djaména - Une mission de la FIDH, et à travers elle ses organisations affiliées au Tchad et au Soudan, (Ligue tchadienne des droits de l'Homme, Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l'Homme ; Sudan Organisation Against Torture), et ses organisations partenaires du Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS) et de l'Union inter-africaine des droits de l'Homme (UIDH), s'est rendue à l'Est du Tchad, du 13 au 23 juin 2007, dans les camps de réfugiés soudanais de Gaga, Farchana et Bredjine.

Via des témoignages de réfugiés nouvellement arrivés dans le dernier camp ouvert de Gaga (arrivés entre janvier et mai 2007), la délégation de la FIDH peut affirmer la persistance ces derniers mois de violations graves des droits de l'Homme et du droit international humanitaire au Darfour : les attaques des janjawids sont récurrentes dans les villages soudanais proches de la frontière avec le Tchad, elles sont perpétrées avec la complicité des forces soudanaises de sécurité, en toute impunité. Des témoignages concordant dénoncent des raids de 20 à 60 personnes fortement armées, à dos de chameaux et de chevaux, destinés à prendre de force les biens des villageois. Toute personne s'opposant aux pillages s'expose à des actes de torture voire d'exécution. Effrayées, harcelées quasi quotidiennement, les populations fuient pour se rendre dans les camps au Tchad.

La mission a pu également recueillir dans les camps des témoignages de nouveaux réfugiés soudanais ayant déjà fui les attaques de janjawids appuyés par les forces militaires gouvernementales soudanaises entre 2003 et 2005, pour s'installer à la frontière dans les camps de déplacés soudanais ou du côté tchadien. Ceux-ci confirment la multiplication depuis 2006 d'attaques janjawids à la frontière soudanaise et d'incursions janjawids au Tchad accompagnées d'exécutions sommaires, de violences sexuelles et de pillages perpétrés devant la force d'intervention de l'Union africaine et des forces tchadiennes de sécurité impuissantes.

En mai 2006, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a recensé 235.574 réfugiés soudanais au Tchad. Par ailleurs, les organisations humanitaires ont alerté la mission de la FIDH de la présence d'environ 140.000 personnes déplacées à l'Est du Tchad du fait de la grande insécurité qui prévaut depuis octobre 2006 dans cette région : incursions janjawids, conflits entre l'armée tchadienne et les rebelles tchadiens, conflits inter-ethniques attisés par l'insécurité sous-régionale. La situation humanitaire des personnes déplacées laissées à la faible assistance des autorités tchadiennes est extrêmement précaire.

Selon un chef de bloc du camp de réfugiés soudanais de Bredjine, « Au lieu de nous protéger, le gouvernement soudanais nous a tué. Nous avons dû fuir notre propre pays pour nous rendre au Tchad. Nous voulons revenir chez nous et reprendre notre terre mais l'insécurité nous en empêche. Les forces de l'Union africaine sont incapables de nous protéger. Nous voulons une force internationale. Nous souhaitons que les criminels rendent compte devant la justice internationale ». Ce témoignage reflète les vues et demandes exprimées par les autres chefs de blocs de camps de réfugiés rencontrés par la mission.

Considérant l'extrême insécurité à laquelle est confrontée la population civile au Darfour et à l'Est du Tchad, nos organisations

1. Condamnent

- les violations graves des droits de l'Homme et du droit international humanitaire commises au Darfour par l'ensemble des belligérants, notamment les exécutions sommaires, les violences sexuelles, les actes de torture et pillages perpétrés par les janjawids contre la population civile, en toute impunité, avec le soutien des autorités soudanaises ;

- les violations des droits de l'Homme et du droit international humanitaire commises contre la population civile au Tchad, particulièrement celles perpétrées lors de raids de janjawids sur le sol tchadien ;

- ainsi l'impunité totale dont bénéficient les auteurs de ces violations ;

2. Appellent

- les chefs d'Etat de l'Union africaine (UA) réunis en sommet à Accra (Ghana) début juillet 2007 à assurer la mise en place immédiate de la force hybride d'intervention UA/ONU, prévue par la résolution 1706 du Conseil de sécurité, seule compétente pour protéger efficacement les populations civiles concernées et permettre une action sécurisée des organisations humanitaires ;

- les chefs d'Etats de l'UA à exiger du Tchad et du Soudan la cessation du tout soutien aux mouvements rebelles ;

- les chefs d'Etat de l'UA à prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre, dans les plus brefs délais, l'établissement d'un cessez-le-feu effectif au Darfour et la mise en oeuvre d'un accord de paix contraignant l'ensemble des belligérants en accord avec les standards internationaux des droits de l'Homme et du droit humanitaire ;

- les autorités soudanaises à coopérer pleinement avec la Cour pénale internationale (CPI), notamment en transférant devant la Cour les personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrêt et permettant au Bureau du Procureur de circuler en toute sécurité sur le territoire soudanais ;

- les états membres de l'UA et de la Ligue des états arabes (LEA) d'accroître leurs efforts envers les autorités soudanaises et de soutenir fermement l'action de la CPI ;

- les représentants des Etats présents à l'occasion de la conférence de Paris prévue le 25 juin 2007 à accroître leur assistance humanitaire en direction des populations réfugiées et déplacées soudanaises, tchadiennes et centrafricaines et à soutenir politiquement et financièrement le processus de paix au Darfour ;

- les autorités tchadiennes à permettre sans délai la mise en place d'une force internationale à l'Est du Tchad composée de policiers et militaires, pour garantir la sécurité de la population civile dans les camps de réfugiés, les sites de déplacés et dans les villages.