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Afghanistan/Pakistan: Pas de retour en vue pour de nombreux réfugiés afghans

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TNH
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QUETTA, 21 juin 2007 (IRIN) - Pour Abdoul Quados, un résident du camp de réfugiés de Katwai, au Balochistan, une province sous-peuplée du Pakistan, il est tout simplement hors de question de retourner à Nangarhar, sa province d'origine, dans l'est de l'Afghanistan.

« Je ne retournerai pas dans ma région d'origine. Il n'y a aucune sécurité là-bas », a expliqué M. Quados, 47 ans, alors qu'il se trouvait dans sa petite cordonnerie, située à la lisière du camp, 300 kilomètres au sud de Quetta, la capitale provinciale.

Avec son petit commerce, il gagne tout juste un peu plus de 150 dollars par mois, pour subvenir aux besoins de sa famille.

« Je ne gagnerai sûrement pas autant si je rentrais. Comment vais-je pouvoir m'occuper de ma famille ? », s'est interrogé M. Quados, père de neuf enfants.

C'est la question que se posent souvent ses voisins, dont beaucoup sont également originaires de Nangarhar, mais vivent au Pakistan depuis l'invasion soviétique de 1979.

Ajab Khan, 36 ans, qui vit au Pakistan depuis 25 ans, partage les préoccupations de M. Quados. Il a expliqué que sa famille avait débattu de la possibilité de retourner au pays, et avait finalement décidé de n'en rien faire, l'année dernière, à la suite d'une courte visite de l'autre côté de la frontière poreuse qui sépare les deux pays.

« Quand j'y suis retourné, [j'ai bien vu qu'on] ne pouvait pas revenir. Les choses ne se sont pas arrangées du tout », a déploré M. Khan.

Aujourd'hui, cette opinion est partagée par un bon nombre des plus de deux millions de résidents afghans du Pakistan, mais elle est le symptôme d'un défi bien plus grand, auquel sont confrontés les gouvernements afghan et pakistanais, ainsi que la communauté humanitaire internationale : si l'on veut que les Afghans retournent chez eux, il faudra faire bien plus d'efforts en matière de réhabilitation et de développement.

Aujourd'hui, plus de cinq ans après l'effondrement du régime taliban, les Afghans sont exaspérés de voir que certaines questions telles que l'emploi, l'hébergement, l'insécurité et l'accès aux terres ne sont toujours pas réglées - autant de conditions fondamentales à leur rapatriement et à leur bien-être.

Selon le rapport du 3 mai 2007 sur l'enregistrement des réfugiés afghans au Pakistan, rédigé conjointement par le gouvernement pakistanais et le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 87 pour cent des Afghans du Pakistan ont déclaré qu'ils n'avaient pas prévu de rentrer chez eux dans l'immédiat.

Le problème de Nangarhar

Selon certains travailleurs humanitaires, la situation à Nangarhar s'avèrera encore plus difficile. Située près de la frontière pakistanaise, Nangarhar est une province de 7 616 kilomètres carrés dont les habitants vivent principalement de l'agriculture.

Sur les 2 153 088 Afghans déclarés actuellement au Pakistan, 451 200, soit 21 pour cent, viennent de Nangarhar - ce qui en fait une province clé dans le cadre des opérations de rapatriement, pouvait-on lire dans le même rapport.

« Nangarhar est la région d'origine d'un grand nombre d'Afghans qui vivent encore au Pakistan », a expliqué à IRIN Vivian Tan, une porte-parole du HCR à Islamabad. « Il ne fait aucun doute qu'il y a beaucoup à faire pour que ces Afghans puissent retourner chez eux », a-t-elle poursuivi, appelant à une poursuite des efforts.

« Pour rester dans leurs régions d'origine, les rapatriés ont besoin de stabilité et de sécurité. Si le rapatriement n'est pas viable, ils reviendront au Pakistan ou iront partout où ils pourront gagner leur vie », a ajouté Mme Tan.

Depuis que le rapatriement des Afghans a commencé, en mars 2002, sur les plus de trois millions d'entre eux qui ont quitté le Pakistan, plus de 600 000 sont rentrés à Nangarhar et se sont retrouvés dans un environnement peu hospitalier, et ce malgré la présence sur place d'une importante communauté humanitaire et la distribution gratuite de terres par le gouvernement, en vue de faciliter la réinstallation.

Pas d'eau, pas d'écoles

Dans la province de Nangarhar, qui compte 1,2 million d'habitants, moins de 40 pour cent de la population ont accès à de l'eau potable, et les infrastructures éducatives et de santé y sont particulièrement insuffisantes.

En 2006, Mohammad Bashir et sa famille sont retournés de la province pakistanaise de la Frontière du Nord-Ouest, où ils vivaient. Ils ont reçu un lopin de terre pour y construire une habitation au camp de Sheikh Mesri, dans le nord de la province de Nangarhar - un bidonville en cours de construction, réservé aux rapatriés sans terre.

« Il n'y a pas d'eau à Sheikh Mesri », a expliqué M. Bashir, qui achète son eau lorsque des camions-citernes de Jalalabad, la capitale provinciale, passent pour les ravitailler. Un autre rapatrié, qui a construit une maison dans le même camp, a également évoqué le manque d'écoles.

« L'UNICEF [le Fonds des Nations Unies pour l'enfance] a monté quatre tentes qui ont servi de collège à des centaines de garçons. Les filles n'ont nulle part où étudier », s'est désolé M. Mohammadullah.

Les membres de la communauté humanitaire sont conscients de ces problèmes : « La communauté internationale doit concentrer ses efforts et ses fonds sur le développement du seul bidonville [Sheikh Mesri] qui existe », a expliqué Mme Tan, notant également le manque d'eau, de routes, d'écoles et de centres de santé.

Chômage, coût élevé des transports

Quant aux emplois, ils sont rares et le chômage continue de faire l'objet de plaintes fréquentes chez les rapatriés de Nangarhar.

« Le manque d'accès à l'emploi est un autre obstacle majeur au retour », a ajouté Mme Tan, évoquant la nécessité impérative d'organiser des formations professionnelles et de mettre en place des projets de micro-crédit pour permettre aux rapatriés de reconstruire leur vie.

Plus de 70 pour cent des Afghans qui vivent au Pakistan sont illettrés et la plupart des rapatriés sont sans qualification, ce qui les empêche de plus en plus souvent de trouver des emplois.

Par ailleurs, de nombreux rapatriés de Nangarhar évoquent d'autres problèmes qui, disent-ils, ont aggravé leurs conditions de vie depuis leur rapatriement du Pakistan.

Maoulaoui Goul Rasoul, un ouvrier du bâtiment de Jalalabad, a expliqué qu'en raison du peu d'infrastructure de transports entre son village et Jalalabad, il dépensait une bonne partie de son salaire uniquement pour se rendre à son travail.

« Je gagne 150 Afghanis [trois dollars] par jour et en dépense 80 [1,60 dollar] chaque jour, pour faire l'aller-retour à Jalalabad », a dit M. Rasoul.

Manque d'optimisme

Dans la capitale provinciale, qui compte quelque 500 000 habitants, l'approvisionnement en électricité est sporadique, et la situation est pire encore à l'extérieur de la ville.

Face à une telle réalité, de nombreux Afghans de Nangarhar et d'ailleurs ressentent une certaine nostalgie lorsqu'ils repensent à la vie qu'ils menaient au Pakistan, en tant que réfugiés.

« La vie était plus facile au Pakistan. Là-bas, au moins, on avait de l'électricité et du gaz », a grommelé un rapatrié.

Hassan Shinwary, le directeur des affaires des réfugiés et des rapatriés de Nangarhar, est sensible au sort des rapatriés. Il a toutefois souligné que le gouvernement afghan faisait tout son possible pour les aider.

« Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour faciliter la réintégration des rapatriés afghans. Toutefois, il faut se rappeler que l'Afghanistan est un pays pauvre, sous-développé et dévasté par la guerre », a affirmé M. Shinwary. « Il faudra du temps pour régler les problèmes des rapatriés ».

Mais de nombreux Afghans, qui observent la situation depuis l'autre côté de la frontière, perdent patience. Après des années de promesses, la situation est de moins en moins attrayante, et de nombreux Afghans envisagent la stabilité et la paix dans leur pays de façon pour le moins pessimiste.

« Nous ne savons pas ce qui va se passer dans six mois », a lancé Nematullah, un habitant de Nangarhar, en haussant les épaules.

« Les Talibans deviennent de plus en plus forts de jour en jour et nous ne faisons pas confiance aux Américains. Ils resteront là tant qu'ils y trouveront leur compte. [Après] ils s'envoleront comme des pigeons et nous abandonneront comme ils l'ont fait dans le passé ».

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