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Tchad : Déclaration conjointe des ONG internationales à l'occasion de la Conférence sur la stabilisation pour les zones touchées par Boko Haram (8 novembre 2017)

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Чад
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ACF
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Les ONGI signataires de cette déclaration accueillent avec enthousiasme l’organisation de la première conférence régionale sur la stabilisation dans le Bassin du Lac Tchad et l’implication de tous les acteurs présents pour trouver des solutions de long-terme à la crise sécuritaire, humanitaire, politique et socio-économique que traverse la région.

La situation humanitaire et sécuritaire reste critique dans toute la zone. La sécurité alimentaire se dégrade petit à petit dans l’ensemble des pays et les civils sont toujours confrontés à des menaces de protection importantes, notamment les femmes et les enfants. Si le processus de stabilisation se fait au détriment de l’action humanitaire et des droits humains, les faibles gains humanitaires seraient compromis et le risque de repartir à zéro serait réel.

Opérant dans la zone, aussi bien dans la mise en place de projets humanitaires que de développement, les ONGI signataires appellent à ce que la stratégie régionale de stabilisation du Bassin Lac Tchad prenne en compte les éléments suivants :

Prioriser la satisfaction des besoins humanitaires de la région

En garantissant l’accès aux moyens d’existence

Il est dur de parler de stabilisation dans un contexte où la majorité des personnes touchées par le conflit n’ont toujours pas accès à leurs moyens de subsistance (agriculture, pêche, élevage, commerce), les rendant dépendants de l’aide humanitaire. L’accès aux moyens de subsistance reste à ce jour principalement restreint par les mesures sécuritaires imposées par les Etats. Ces diverses mesures ont un poids extrêmement lourd sur l’économie de familles déjà très fragiles et ont paralysé les échanges commerciaux d’une région largement interdépendante. A noter toutefoisla récente levée de l’interdiction de culture du poivron dans la région de Diffa qui pourrait contribuer à relancer l’économie de la zone, condition sine qua none à la stabilisation.

En investissant dans les services sociaux de base (santé, eau et assainissement et éducation)

Le constat est le même dans l’ensemble des pays du Bassin Lac Tchad : un sous-investissement chronique en termes de services sociaux de base, empiré par la fermeture ou la destruction de structures de santé et d’écoles. Santé, eau et assainissement, et éducation doivent être prioritaires afin de développer le capital humain de la région, indispensable à la stabilisation. La stratégie régionale doit également prévoir un appui aux processus d’élaboration des plans de développements locaux et le renforcement des structures communautaires tout en facilitant et soutenant la restauration de structures étatiques fonctionnelles.

En tenant compte des besoins différenciés selon les zones

Au regard des spécificités de chaque zone, une approche exclusive ne peut être considérée. Certains endroits présentent un terrain favorable aux opérations de redressement économique alors que dans d’autres endroits, au sein du même pays, la situation sécuritaire ne le permet pas et les besoins humanitaires restent massifs. La réponse doit aussi être adaptée aux différents besoins des populations, en prenant en compte leurs sexes et âges ainsi que leurs catégories socio-économiques (éleveurs, agriculteurs, pécheurs, commerçants…).

Placer la protection des civils au cœur de la stratégie de stabilisation

La protection des civils doit être renforcée et placée au cœur de la stratégie militaire des Etats du Bassin du Lac Tchad. Les alternatives à une réponse purement militaire doivent être développées et la protection des civils doit être prioritiser par les Etats affectés par le conflit. Une amélioration des mécanismes de coordination civilo-militaire est nécessaire pour s’assurer que les problèmes de protection sont connus et pris en compte par les acteurs étatiques présents dans la zone. Le respect des engagements internationaux des États en lien avec les droits de l’homme et le droit international humanitaire doit être réaffirmé avec une emphase sur le droit à l’asile des populations cherchant la sécurité dans un pays autre que le leur.

En favorisant un accès sécurisé aux populations vulnérables

Des zones entières restent inaccessibles aux acteurs humanitaires dans les quatre Etats. Il est important de sécuriser la liberté de mouvement afin que les populations puissent accéder à l’aide et aux trop rares services de base. En outre, les limites floues entre l'action humanitaire et les objectifs politiques / militaires ont des conséquences en termes de perception, d'acceptation, de sécurité des communautés et des travailleurs humanitaires. Cela peut avoir un impact fort sur l’acceptance des populations et sur la capacité des ONG à leur apporter l’assistance nécessaire a leur survie, dignité et relèvement. Toute initiative susceptible d'entraver les opérations humanitaires, incluant les projets à impact rapide (QIP), devrait être limitée aux domaines et secteurs qui ne créeront pas de confusion avec les acteurs humanitaires et la séparation physique doit être maintenue.

En adaptant les politiques sécuritaires aux réalités pour réduire la dépendance à l’aide

Les politiques sécuritaires doivent être réévaluées et adaptées aux différentes réalités sécuritaires des Etats, tous ne connaissant pas les mêmes niveaux de volatilité. Si dans certaines zones, comme une grande partie de l’Etat de Borno, la partie Est de la région de Diffa ou dans la zone frontalière avec le Nigeria dans l’Extrême Nord du Cameroun la situation sécuritaire reste extrêmement précaire, d’autres zones touchées par le conflit, comme l’Ouest de la région de Diffa ou la région du Lac au Tchad connaissent un contexte plus stable et plus favorable à la levée de certaines restrictions sécuritaires.

En développant des solutions de long-terme pour les personnes déplacées

Bien que certaines personnes soient toujours déplacées par le conflit, d’autres rentrent dans leur zone/pays d’origine. Cependant, la plupart des personnes retournées ne peuvent toujours pas rentrer chez elles, surtout dans l’Etat de Borno, illustrant le fait que le retour ne signifie pas forcément qu’une solution de long-terme a été trouvée. Les pays affectés doivent développer des solutions de long-terme pour les personnes déplacées qui prennent en compte la complexité des flux migratoires régionaux et garantissent le caractère volontaire, digne, informé et sûr des retours.

En garantissant des politiques de DDR adaptées

Les Etats de la région doivent clarifier leurs politiques de démobilisation et de déradicalisation pour encourager les futures redditions des membres des groupes armés, incluant une approche spécifique pour la démobilisation des enfants. Un processus clair et transparent sur le sort des anciens combattants, leur traitement judiciaire et les politiques de réinsertion est nécessaire pour créer un climat de confiance favorisant les redditions et donc, à terme, la stabilisation de la zone.

Mettre en place des mécanismes régionaux adéquats

En développant un système de données transfrontalier

Face aux mouvements continus de populations, incluant des retours, l’absence de système d'enregistrement harmonisé entre les pays touchés se traduit par des chiffres contradictoires sur les mouvements transfrontaliers et exacerbe la faible capacité des agences à comprendre les stratégies mises en œuvre par les populations affectées lors des déplacements. Il est crucial de développer un système de données transfrontalier et de garantir le partage d’informations pour mieux accompagner les déplacements et mettre un terme aux cas de refoulement.

En multipliant les programmes transfrontaliers basés sur une évaluation commune des besoins

Beaucoup d'efforts restent à faire pour améliorer les évaluations conjointes et impartiales des besoins humanitaires et de développement. Il est essentiel de développer des programmes transfrontaliers afin de mieux couvrir les besoins des populations toujours en mouvement, incluant les éventuels retours et de stopper les refoulements, notamment entre le Cameroun et le Nigeria. Ces programmes doivent par exemple inclure le partage d’informations pour la réunification familiale des enfants non accompagnés/séparés.

En intégrant cette stratégie dans les initiatives nationales et globales

Il est crucial que cette stratégie soit alignée avec les cadres politiques nationaux et s’intègre dans les programmations annuelles et pluriannuelles de chaque pays. Cela contribuera à restaurer les services de l’Etat. Par ailleurs, la stratégie doit être développée en considérant les réflexions globales à l’œuvre (Nexus humanitaire-développement / New Way of Working) afin d’assurer la cohérence entre les multiples initiatives.

Les ONGI signataires souhaitent également souligner que les acteurs humanitaires n’ont pas vocation à remplacer l’Etat et ne peuvent pas répondre de manière durable aux problèmes structurels du Bassin du Lac Tchad. Les Etats affectés par la crise doivent réaffirmer leur volonté de trouver des solutions à la crise pour une paix durable dans la région.