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Niger : En quête d’alternatives pour les passeurs

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Niger
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UNHCR
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Le Niger mène une campagne de répression contre les passeurs. Toutetois, les personnes arrêtées - lorsqu’elles transportent des migrants et des réfugiés à travers le Sahara - ont besoin d’alternatives économiques concrètes pour survivre.

Par Michelle Hoffman | 09 août 2017 | English

AGADES, Niger – Bachir vit depuis toujours dans cette cité perchée aux ruelles tortueuses, et sa connaissance de la ville et du désert en ont fait un passeur prospère qui a acheminé, pendant des années, des personnes à travers le désert brûlant vers la Libye.
« Les gens venaient à moi », explique-t-il. « Je leur garantissais la sécurité car ils me contactaient directement. »

Sous le règne du dictateur libyen Muammar Khadafi jusqu’en 2012, les clients de Bachir souhaitaient rejoindre la Libye, le pays voisin au nord du Niger, pour y travailler – au lieu de la traverser. « La Libye était un pays attrayant. Les gens pouvaient y gagner autant d’argent qu’en Italie », indique Bachir, se rappelant de nombreux clients qui l’appelaient au téléphone il y a quelques années, pour organiser leur voyage de retour chez eux, après avoir suffisamment épargné.

L’insécurité est désormais généralisée en Libye, ce qui accroît les risques pour ses clients et a entraîné une vague de répression sur son activité qui lui avait permis de subvenir aux besoins de sa famille pendant 17 ans.

En 2015, principalement à cause de la pression opérée par les gouvernements des pays de l’UE, le Niger a adopté une loi sur la répression des passeurs qui aident ces voyageurs à traverser la Libye, principalement depuis l’Afrique centrale et occidentale.

En retour, l’UE a alloué plus de deux milliards d’euros pour aider la région – et d’autres pays africains prioritaires – et répondre à des problèmes allant de l’insécurité au développement économique. Après la promulgation de cette nouvelle loi contre les passeurs, Bachir a cessé son activité illégale en octobre dernier pour entamer une nouvelle vie. Désormais, il vient en aide aux anciens passeurs comme lui, pour les préparer à un nouveau métier.

Avec d’autres, ils aident des centaines de personnes à rédiger des propositions pour recevoir des fonds versés spécifiquement à d’anciens passeurs pour des projets de création d’entreprises commerciales ou de formations professionnelles. Cette initiative permet de financer des montants jusqu’à 2700 USD pour les particuliers ou 7200 USD pour un groupe comptant jusqu’à quatre personnes.

« Nous sommes confiants car des représentants du gouvernement nigérien sont venus à nous. Ils nous ont réunis pour qu’on discute ensemble de ce problème. Nous leur avons fait part de nos préoccupations », explique-t-il.

Pendant des siècles, Agadès a été d’abord un haut-lieu du commerce de l’or et du sel. Plus tard, la ville est devenue un site de tourisme dans le désert. Elle est désormais une plaque tournante pour les passeurs et le trafic d’armes, de drogue et par-dessus tout, la traite de réfugiés et de migrants désespérés.

Cette répression contre la traite d’êtres humains a toutefois un coût pour le pays, qui se place 187e sur 188 au total à l’Indice du développement humain, publié chaque année par le PNUD. Avec un vaste territoire à contrôler et une population d’une grande pauvreté, le pays tient un rôle difficile à la fois pour contrôler les flux de population et pour trouver une alternative économique à une industrie tristement florissante.

Bachir souligne que les passeurs ont besoin d’une solution concrète pour abandonner l’activité qui leur a permis de subvenir à leurs besoins. « Nous ne savons rien faire d’autre », déclare-t-il. « Vous voyez ? Nous avons perdu notre travail. Nous avons perdu notre moyen d’existence – car c’était notre vie. C’était ce qui nous permettait de manger. »

Au Niger, dont 46 pour cent des habitants vivent avec moins de 2 USD par jour, un chauffeur qui transporte des personnes vers la Libye peut gagner 4000 USD voire 5000 USD par voyage. Aujourd’hui, pour respecter la loi, beaucoup d’entre eux doivent trouver de nouvelles alternatives pour survivre.

Tous ne le font pas. Bien qu’interdite aujourd’hui par la loi, la traite d’êtres humains bat son plein et c’est facile d’en repérer les stigmates à Agadès. La cité bourdonne durant les jours de préparation des convois de camions dans le désert. Les passeurs font le plein d’essence et de provisions. Les services de change de devises et de transfert d’argent ainsi que les vendeurs de téléphone mobile – des téléphones satellite pour avoir une couverture au milieu du désert – opèrent en pleine rue à la vue de tous.

La station de bus se remplit de passagers arrivés le soir sur rendez-vous avec les agents des passeurs. Et, dans les quartiers les plus dangereux d’Agadès, derrière les murs en briques de boue de quelques résidences gardées, les migrants et les réfugiés attendent l’heure du départ. Certains y restent parfois prisonniers pendant plusieurs jours.

Aklou Sidi Sidi, le premier Vice-Président du Conseil régional d’Agadès, a expliqué que, durant la période prospère, jusqu’à 700 véhicules bondés avec jusqu’à 30 personnes à leur bord, entamaient la traversée du désert chaque semaine, générant ainsi des revenus pour de nombreux intermédiaires, le principal agent de transport, le chauffeur et autres.

« Et il y a les propriétaires des caches clandestines. Je dois également mentionner les taxis à moto, les personnes qui se chargent du change de devises ou du transfert d’argent », ajoute-t-il. « Il y a ceux qui vendent des kits pour les migrants. Toutes ces personnes survivent grâce à cette activité. Et aujourd’hui elle est arrêtée car elle est devenue illégale. Alors il doit y avoir absolument une solution de remplacement. »

Aklou Sidi Sidi est reconnaissant de l’aide internationale, mais il la juge insuffisante. Il explique que le soutien de l’UE pour les formations professionnelles et la création d’entreprise peut venir en aide à 200 personnes alors que, selon lui, plus de 6000 personnes à Agadès sont impliquées dans la traite d’êtres humains.