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Qui sont les tueurs de Beni? Rapport d’enquête No 1

Pays
RD Congo
Sources
Congo Research Group
Date de publication
Origine
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I. RÉSUMÉ ET RECOMMANDATIONS

Depuis octobre 2014, les environs de la ville de Beni dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RD Congo) ont été le terrain de massacres comptant parmi les pires de l’histoire récente du Congo. Plus de cinq cent personnes ont été tuées et des dizaines de milliers ont fui leurs foyers. La mission de l’ONU et le gouvernement congolais ont déclaré publiquement que les massacres sont l’œuvre des rebelles ougandais des Allied Democratic Forces (ADF).

Les recherches du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), réalisées à partir d’entretiens avec plus de cent témoins et leaders locaux, indiquent que la définition des ADF est à revoir. Au lieu d’un groupe islamiste étranger motivé par la vengeance, nos recherches décrivent plutôt un groupe qui, au cours de vingt années d’insurrection autour de Beni, a fini par tisser des liens forts avec les milices et des groupes d’intérêts locaux. Mais notre enquête préliminaire indique que la responsabilité des massacres ne peut pas être attribuée seulement aux ADF. En plus des commandants qui appartiennent strictement aux ADF, certains membres des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), des anciens du Rassemblement congolais pour la démocratie–Kisangani/Mouvement de libération (RDC–K/ML), ainsi que des membres des milices communautaires sont aussi intervenus dans les attaques contre la population civile.

Nous ne pouvons pas nous prononcer sur les chaînes de commandement ou sur les motivations de ces groupes, mais il est clair que le gouvernement congolais et la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo (MONUSCO) n’ont pas fait les efforts suffisants pour répondre à cette crise et ont mal identifié l’ennemi. Souvent, bien qu’ayant perdu des centaines de soldats dans les opérations contre les ADF qui ont eu lieu avant juillet 2014, les FARDC n’ont pas réagi à temps pour protéger la population pendant et après les événements, un manque d’initiative que l’on reproche aussi à la MONUSCO. Nos chercheurs ont documenté des cas où des officiers des FARDC ont dissuadé leurs unités d’intervenir pendant des massacres et il existe de nombreuses preuves indiquant que des membres des FARDC ont activement participé aux massacres.

RECOMMANDATIONS :

• Le gouvernement devrait constituer dans les plus brefs délais une commission d’enquête spéciale dirigée par un procureur militaire haut gradé pour enquêter sur les actes de violence perpétrés autour de Beni depuis octobre 2014. Les résultats de l’enquête devraient être rendus publics;

• La MONUSCO devrait mener une enquête en vue d’établir les responsabilités dans les massacres de Beni. Le Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU devrait également évaluer la performance de la mission en relation avec ces massacres;

• Le Sénat et l’Assemblée de la RDC nationale devraient constituer une commission d’enquête conjointe chargée de situer les responsabilités politiques, notamment le rôle qu’ont pu jouer les responsables des institutions en charge de la sécurité dans la commission des massacres autour de Beni;

• Le gouvernement congolais devrait proposer un plan de stabilisation et de sécurisation pour le territoire de Beni qui implique les FARDC, les communautés locales et la MONUSCO. Ce plan devrait être mis en place dans le cadre du plan provincial de stabilisation, en coordination avec le Plan de stabilisation et de reconstruction de l’est de la République démocratique du Congo (STAREC) et conformément aux recommandations émises par la Stratégie Internationale de Soutien à la Stabilisation et à la Sécurité (I4S).