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Goma : éviter une nouvelle guerre régionale - ICG

Countries
DR Congo
Sources
ICG
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La ville de Goma et son aéroport stratégique, dans l’Est du Congo, seraient passés sous le contrôle du M23 à la suite d’âpres combats. Les acteurs régionaux et internationaux doivent agir afin d’éviter une nouvelle guerre régionale.

Depuis la semaine dernière, l’histoire semble se répéter dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), entrainant les mêmes conséquences dramatiques pour les populations civiles de la région. (pour plus de détails, voir le briefing Afrique N°91 de Crisis Group publié le 4 octobre).

Le 15 novembre 2012, le mouvement rebelle du M23, soutenu – selon les autorités congolaises – par les forces armées rwandaises, a rompu le cessez-le-feu observé de facto avec les Forces armées de la RDC (FARDC) depuis le 25 juillet et a lancé une offensive sur Goma, la capitale de la province du Nord Kivu.

En dépit de plusieurs tentatives infructueuses d’étendre leur contrôle sur le territoire du Maisisi, riche en ressources agricoles et minières, et suite à la fermeture du poste-frontière de Bunangana par l’Ouganda et l’inscription du principal dirigeant du M23, Sultani Makenga, sur la liste des personnes visées par des sanctions onusiennes, les rebelles ont mis à exécution leur menace de lancer une offensive sur la ville de Goma. Le 18 novembre 2012, après trois jours de combats, le M23 est parvenu à briser la résistance des FARDC et a tenté de forcer le gouvernement du président Kabila à négocier.

Le 19 novembre, après de multiples et vaines tentatives de dialogue et un ultimatum lancé par le M23 au gouvernement, les combats ont éclaté à l’intérieur de la ville de Goma, défendue par les FARDC et les Casques bleus de la Monusco. L’ultimatum du M23 exigeait le retrait de l’armée congolaise et la démilitarisation de la ville et de l’aéroport de Goma ; la réouverture du poste-frontière de Bunangana ; et un processus de négociation comprenant l’opposition politique non armée, la société civile et la diaspora. Cette dernière exigence vise pour le M23 à limiter la crise à une affaire intérieure congolaise et ainsi empêcher Kinshasa d’internationaliser la question afin d’obtenir une solution négociée au niveau régional par la Conférence internationale de la région des Grands Lacs (CIRGL) avec les pays voisins soupçonnés de soutenir la rébellion du M23.

Alors que les négociations étaient sur le point de démarrer à Goma, le président Kabila a finalement refusé de reconnaitre le M23 comme un interlocuteur légitime, et des combats ont par la suite éclaté dans la ville. Les rebelles sont entrés dans Goma le 20 novembre, poussant l’armée congolaise à se replier sur Sake.

Cette nouvelle offensive est un triste rappel de la menace de s’emparer de Goma émise par le Conseil national de défense du peuple (CNDP), dirigé par Laurent Nkunda, en 2008. Une fois de plus, ce sont les populations civiles qui paient le prix fort. Tout comme quatre ans auparavant, les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets :

  • la chute de Goma peut entrainer de graves violations des droits de l’homme à l’encontre des populations civiles ;

  • des représailles ou même des exécutions extrajudiciaires ciblées envers les autorités et activistes de la société civile qui ont pris position contre le M23 depuis le début de la crise en mars pourraient alourdir le bilan humain et attiser la violence ;

  • la capitulation de Kinshasa face au M23 risque de provoquer une onde de choc dans les Kivus et de relancer une dynamique de guerre entre la RDC et le Rwanda ; et

  • les Nations unies et la Conférence internationale de la région des Grands Lacs, toutes deux responsables de la gestion des conflits dans la région, sont déjà discréditées.

Les acteurs régionaux et internationaux doivent obtenir :

  • la fin immédiate des combats à l’intérieur de Goma ;

  • l’engagement du M23 à respecter le mandat de protection des populations civiles de la Monusco ;

  • la garantie par le M23, à travers des actions concrètes sur le terrain, du respect des civils et des biens dans les secteurs contrôlés par le mouvement, qui doit également empêcher toute nouvelle violation des droits de l’homme.

Afin d’éviter un embrasement régional, les mesures suivantes sont également nécessaires :

  • la condamnation explicite par le Conseil de sécurité de l’ONU, l’Union africaine (UA) et la CIRGL de toute ingérence extérieure dans les affrontements

  • l’implication immédiate des dirigeants de la Monusco afin d’obtenir un cessez-le-feu négocié et stable et d’accélérer le déploiement du Mécanisme conjoint de vérification et de la Force neutre prévus par la CIRGL ;

  • l’imposition de sanctions par l’Union européenne (UE), le Conseil de sécurité de l’ONU, et particulièrement par la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, ainsi que par l’UA, contre les dirigeants de la rébellion mais également contre leurs soutiens extérieurs ;

  • une enquête par la Cour pénale internationale (CPI) sur les actions du M23 et des nouveaux groupes armés, et une demande de la Cour pour obtenir de la Monusco ses dossiers sur les dirigeants du M23 ; et

  • l’établissement immédiat par le Conseil de sécurité de l’ONU, l’UA, l’UE et les envoyés spéciaux belge, sud-africain et américain pour les Grands Lacs, d’une mission afin d’établir les responsabilités dans la région et de promouvoir les conditions d’une résolution durable de cette crise.

La priorité immédiate est de mettre fin aux affrontements en cours et d’assurer la protection des civils.

Pour promouvoir une solution à long terme, le Conseil de sécurité de l’ONU, l’UA et la CIRGL devront s’assurer que les accords de paix et les plans de stabilisation ne restent pas, à nouveau, des promesses sans lendemain. Cela impliquera une pression claire et coordonnée de la part des bailleurs internationaux et des acteurs régionaux sur le gouvernement congolais et le mouvement du M23, ainsi que sur les soutiens extérieurs de ce dernier.